PRÉSENCE VIVANTE DE LA CABALE
FEDERICO GONZALEZ - MIREIA VALLS

Cabale. Le Palmier.
Triptyque hollandais (fragment).
Le texte complet (illisible pour nous) dit :

PALMIER :
« Est arbre de vie pour ceux qui la saisissent et celui qui s'y attache est heureux. » (Proverbes 3, 18).
« Vous qui avez soif, venez aux eaux,
et vous qui n’avez pas d’argent, venez, achetez et mangez sans argent,
et sans payer, le vin et le lait ! » (Is. 55,1)

PSAUME XCII
« Le juste fleurit comme le palmier,
Il croît comme le cèdre du Liban.
Plantés dans la maison de Yahvé,
Ils fleurissent dans les parvis de notre Dieu.
Ils portent encore des fruits dans la vieillesse,
Ils sont pleins de sève et verdoyants,
Pour proclamer que Yahvé est juste :
Il est mon Rocher, et il n'y a pas en lui de fausseté. »


CHAPITRE II
LE SEFER YETSIRAH ET LE BAHIR
(suite et fin)
 

Le Bahir. Le livre de la Clarté
    Ce livre sacré, sapientiel et poétique, antérieur au Zohar, est né en Provence, et l’on pense que c’est le fruit du travail de différents sages cabalistes appartenant à l’école cabalistique provençale. Il arrive que son thème principal s’arrête soudainement ou adopte un autre discours, abandonnant les séquences et le rythme qu’il suivait jusque là, délibérément occulté par les auteurs ou par une censure rabbinique omniprésente et analogue aux censures chrétienne et islamique. Il pourrait être en fait considéré comme un ensemble de textes –à l’instar de nombreux livres sacrés– compilés pour être diffusés, lus et psalmodiés comme des exercices mnémotechniques. L’on pourrait dire que ce livre est un prologue à l’apparition des écrits d’Isaac l’Aveugle, des textes de Catalogne et du Zohar, et qu’il est le reflet de la pensée cabalistique de l’époque des deux côtés des Pyrénées.

    Tout comme le Sefer Yetsirah, le thème du Bahir est l’âme pour laquelle surviennent de nombreuses aventures engendrées par la crainte de Yahvé, c’est-à-dire le profond respect du sacré et de l’autorité de la Tradition exprimée par Moïse et son décalogue, qui est cependant transcendé par des spéculations allant au-delà de la loi. Pour cela les sages israélites ont été persécutés, comme bien d’autres dans différentes traditions abrahamiques où la connaissance du sacré est vue aujourd’hui comme une forme de fantaisie, dans le meilleur des cas, ou comme quelque chose de rigide pouvant être utilisée comme une forme de pouvoir individuel ou social.

    Le Sefer ha Bahir, ou Livre de la Clarté46, reçoit son nom du livre de Job (37, 21), qui parle ainsi :

Maintenant on ne voit plus la lumière,
obscurcie par les nuages,
mais le vent passe et les dégage
et une clarté vient du nord :
gloire redoutable entourant Dieu.

    Nous travaillerons ici avec la version bilingue hébréo française de Joseph Gottfarstein (Verdier, 1982) qui déclare dans la présentation de son travail sur le sujet et faisant référence au style du Bahir :

Cependant, quelques parties présentent une sorte d'unité de composition, comme par exemple la série de propositions se référant au Sépher Yetsira, tout en amorçant une nouvelle exégèse de celui-ci.
Les dix Séphiroth mentionnées pour la première fois dans le Sépher Yetsira se présentent dans le Bahir sous l'appellation de
« dix paroles énoncées par le récit de la Genèse ». Il s'agit des dix paroles divines au moyen desquelles le monde fut créé. Ce sont des instruments divins en même temps que des récipients, censés contenir le tout, correspondant au « plérome » des gnostiques.

    Et il ajoute plus loin :

Aussi, l'influence du Bahir sur toute la cabale espagnole fut-elle décisive…

    Ce qui est rendu évident par la comparaison de ses différents textes ainsi que de leur structure et de leurs images, qui sont plus explicites dans la littérature cabalistique espagnole postérieure.

    Et, finalement, Gottfarstein observe :

Vu son caractère inusité et les éléments gnostiques qui s'y étaient glissés, le Bahir suscita lors de sa publication le courroux des penseurs juifs, adversaires de la cabale.

    Il en a été ainsi pour ce traité dès sa diffusion au XIIe siècle, où il a été qualifié d’hérétique, ce qui a été une constante en ce qui concerne la Cabale (la gnose hébraïque) jusqu’à nos jours, face à un rabbinat religieux littéral qui croit défendre la Tradition juive en l’identifiant à la loi, liée à la piété pour la piété et à la seule observation des us et coutumes.47

    Gershom Scholem, qui durant près de quarante ans a étudié le Bahir dans son aspect conceptuel et historique et a rédigé à son sujet une importante contribution de 180 pages (un livre) dans son ouvrage Les Origines de la Cabale, outre bien d’autres mentions au cours de son œuvre, déclare, entre bien d’autres choses, au sujet de la pensée subjacente présente dans ces textes fragmentaires et non connexes, et après avoir expliqué le concept de plérôme (plénitude) et l’utilisation variée de ce terme :

… les mystiques de la Merkabah substituèrent le plérôme gnostique au trône divin, et la place des éons fut occupée par l’appareil de la Merkabah, tel que cela a été décrit par des symboles très concrets dans la vision d’Ezéchiel ou été développé à partir de cette vision. Mais précisément ce que les mystiques espéraient éliminer de l’univers de leur discours au moyen de la traduction ou de la transformation en une terminologie purement juive, évitant ainsi qu’il soit « soupçonné » d’avoir des origines étrangères, apparaît maintenant, à notre grande surprise, dans les fragments que nous avons reconnus comme appartenant aux strates les plus anciennes du Bahir. Le langage et les concepts sont les mêmes, et c’est en vain que nous avons cherché une réponse à la question de comment cette terminologie a-t-elle pu naître ou être recréée au XIIe siècle, si ce n’est par l’intermédiaire de quelque filiation à des sources occultes liées à l’antique tradition gnostique.48

    Plus tard il ajoute, après avoir analysé en détails les éléments qui étayent sa pensée :

Dans le Bahir, nous pouvons encore reconnaître assez clairement les efforts qui ont été faits pour introduire une terminologie plus ou moins cohérente dans l’utilisation de ces symboles en ce qui concerne les sefirot spécifiques, bien qu’un certain temps ait dû passer avant que ce processus de cristallisation des Noms et du symbolisme de la Cabale antique arrive à terme. Les différentes tentatives se contredisent fréquemment entre elles. Tandis que les commentateurs de la Cabale s’efforçaient de mettre d’accord, ou d’unifier, les symboles, l’historien, comme c’est naturel, n’est pas intéressé par cette sorte d’exégèse harmonisatrice. Nous verrons quelques exemples qui suggèrent que des traditions contradictoires ont simplement été juxtaposées dans le Bahir. Là aussi, le choix des symboles et dénominations pour une sefira ou une autre reflète le processus par lequel les gnostiques désignaient leurs éons. Ils aimaient à adopter comme noms pour les éons des termes abstraits tels que pensée, sagesse, pénitence, vérité, grâce, grandeur, silence, ou des images comme père, mère, abîme, etc. Ces désignations, dont certaines sont identiques à celles que l’on trouve dans des documents anciens alors que d’autres étaient créées suivant les méthodes d’exégèse gnostique, emplissent les pages du Bahir. Là, cependant, elles découlent de versets bibliques ou même de phrases haggadiques des rabbins.

    L’érudit juif, l’un des piliers qui structurent cette étude, ignore l’idée d’une grande Tradition Primordiale, toujours présente et encore vivante, ainsi qu’elle l’a été pour les israélites du temps où s’écrivirent les textes sapientiels cabalistiques, tout comme ceux écrits par Moïse, qui sont en somme la source d’où émane toute la gnose juive. Nous voulons dire par là que la Tradition est en fait intemporelle et possède un espace propre, hors de tout temps et de tout lieu, parfaitement actuel et qu’elle demeure donc toujours neuve et a-historique.49

    C’est donc en vain que professionnels et « académiques » s’efforcent de la classifier de manière quasi entomologique et, une fois cette opération réalisée et après l’avoir au préalable désinfectée et décorée, de la rendre apte à être digérée, encore que ce soit seulement dans un contexte historique déterminé et un lieu spécifique, ce qui n’est heureusement pas le cas de Scholem.

    Cet auteur a dédaigné antérieurement l’influence d’autres courants de pensée qui pourraient avoir déterminé ces textes, parmi lesquels la tradition néoplatonicienne ou l’hermétique, se limitant uniquement à la « gnose », envisageant exclusivement cette « hypothèse », comme s’il s’agissait d’une chose per se, qui en concerne le catalogue bureaucratique (Valentin, Simon, les ophites, etc.) sans pénétrer plus avant, surtout dans la Tradition Hermétique, antédiluvienne et héritière du dieu Thot égyptien50, qui s’est en réalité ramifiée dans les gnoses du Ier au Ve siècle de la même façon que, par la suite, cette immense tradition adopterait pour s’exprimer aux époques chrétiennes la sagesse de la Cabale juive.

    Comme nous l’avons par ailleurs déjà mentionné, la « célèbre » bibliothèque gnostique de Nag-Hamadi, qui compte des textes gnostiques fondamentaux comme l’Évangile de Thomas, l’Évangile de Marie et l’Évangile des Égyptiens, contient également l’Asclepius, en copte, une sorte de condensé de toute la Tradition Hermétique, dont on ne connaissait qu’une version latine très répandue aux premiers siècles du christianisme, au Moyen Âge et à la Renaissance.

    Nous avons vu que la « doctrine des émanations » qui génère dans le plan intermédiaire dieux, déesses, planètes, cercles, sphères, esprits, archanges et anges, etc., est exprimée dans la Cabale par les différents nombres qui identifient les sefirot tout en les constituant ; et  par les vingt-deux lettres qui composent les voies qui les unissent.

    Le plérôme et ses éons ne sont pas une exclusivité de la seule « gnose », mais se rencontrent de manière unanime dans toutes les traditions, sauf les religions monothéistes, encore que se trouvant dans celles-ci de façon occulte, souterraine, et ont subsisté jusqu’à nos jours à travers nombre de leurs symboles, voire de rites, et en particulier dans leurs textes sacrés.51

    Ce que dit le Pymandre, XI et XIII, un texte appartenant au Corpus Hermeticum, nous éclaire à ce sujet:

Mais le Noûs Dieu, étant androgyne, existant comme la lumière et la vie, engendra par la parole un second Noûs démiurge qui, en tant que dieu du feu et du souffle vital, créa des Régents, au nombre de sept, qui entourent de leurs cercles le monde sensible ; et leur gouvernement est appelé le Destin.

    Pour le Bahir, 142, la création commence à se profiler dans la sefira numéro deux, Hokhmah (la Sagesse), c’est-à-dire dans la dualité, en  accord avec la Merkaba pour laquelle le cosmos ne naît pas à la lettre aleph, la première de l’alphabet, mais à la seconde, beit, et au mot Berechit qui commence la Torah.

    Et le Corpus Hermeticum continue :

Cependant, le Noûs démiurge, joint au Verbe, enserrant les cercles et les faisant tourner dans un bourdonnement, mit ainsi en marche le mouvement cyclique de ses créatures, leur permettant d’accomplir leur révolution depuis un commencement indéterminé jusqu’à une fin illimitée, puisqu’il commence où il s’achève.

    Nous voulons citer ici un texte du Bahir, 179, dont l’analogie est évidente :

Il enseigna: Il y a dix galgalim (sphères) et il y a dix Paroles.
Chaque sphère possède son Mot, non dans le sens où tourne la sphère52 mais dans celui qui l’entoure.
Le monde d'ici-bas est comme un pépin de moutarde53 dans un anneau.54
Pourquoi cela?
A cause du vent qui souffle, et c'est grâce à cela qu'il subsiste.
Si le vent cessait de souffler, ne serait-ce que pendant une heure ou un moment, le monde serait détruit.

    En termes de généralité, l’on pourrait dire que le Sefer Yetsirah traite davantage des numérations en dépit de l’attention minutieuse qui est octroyée aux lettres, bien que, dans le texte que nous examinons, les noms, et par conséquent l’alphabet, sont plus soulignés davantage que les numérations du Sefer Yetsirah, dont il paraît parfois être un commentaire. Comme le dit le Livre de la Clarté, 41 :

Quelles sont les dix Paroles?
La première, c'est la Couronne suprême, béni et glorifié soit Son Nom, ainsi que son peuple.
Et qui est son peuple?
Israël. Ainsi qu'il est écrit (Ps. 100, 3): « Sachez que YHVH est Dieu: c'est lui qui nous a faits »,
et non pas nous – afin que nous sachions reconnaître et distinguer Dieu qui est L'Unique des uniques et afin que nous sachions qu'Il est Un dans tous Ses Noms.

    Ainsi s’organisent à partir de l’Unité les Principes, ou Noms, qui donneront lieu par la suite à la construction de l’Arbre séphirotique qui se réalisera peu à peu à partir de la première Triade, puis avec la contribution des sefirot que la Cabale appelle « de construction » et qui sont les 6 (ou 7) restantes, qui structureront l’Arbre jusqu’à sa conclusion finale dans la dixième numération, Malkhout. Voici un texte du Bahir, 186, dans lequel la cosmogonie et la théosophie cabalistique se cristallisent en plusieurs aspects fondamentaux, mais de façon fragmentaire, confuse, peut-être de plusieurs mains :

Que signifie le verset (Job 15, 2): « Le sage répond-il avec la connaissance de l'esprit »? Qu'est-ce donc que la « connaissance de l'esprit »?
Il s'agit de la connaissance qui est proche de l'esprit, comme il est écrit (Is. 11, 2): « 
Et sur lui se posera l'esprit de YHVH, esprit de sagesse et d'intelligence. » D'abord la sagesse (Hokhma), ensuite l'intelligence (Bina). Et c'est dans l'intelligence que se trouvent le « Conseil, la Rigueur, la Connaissance et la crainte de YHVH. »
Mais tu nous as dit: Le « 
Conseil », c'est la pratique de la Charité (ou bienveillance) et intelligence, c'est l'attribut de Rigueur. La connaissance servirait à l'homme a contrôler par elle la Vérité tandis que la crainte de YHVH serait le trésor de la Torah.

    Et il ajoute et insiste, soulignant la différentiation entre l’un et l’autre, puisque la création est toujours double :

C'est précisément ce que je viens de dire. Mais tout ceci se trouve au-dessus, comme rabbi Akiba dit: Tout ce que le Saint, béni soit-il, a créé, il a créé son double, ainsi qu'il est écrit (Eccl. 7, 14): « Dieu a fait correspondre l'un a l'autre. »
Et qu'est-ce que ce trésor de la Torah?
C'est ce dont il est dit (Is. 33, 6): « 
La crainte de YHVH voilà son trésor! » C'est pourquoi l'homme se doit de craindre Dieu et ensuite d'étudier la Torah. 

    Et au verset 98, le texte poursuit ses éclaircissements, cohérent avec son titre :

Et toutes ces saintes « formes » sont préposées aux nations, mais le saint Israël a pris pour lui le corps de l'arbre ainsi que le coeur de celui-ci. De même que le coeur est la splendeur du fruit du corps, de même Israel a pris le fruit de l'arbre de la splendeur. De même que le palmier est entouré de ses branches et son loulab est au milieu, de même Israël a pris le corps de cet arbre qui est son coeur. Il symbolise la colonne vertébrale de l'homme qui est la partie essentielle du corps humain.  

    Dans un autre paragraphe, le 176, il porte l’analogie de l’Arbre au corps humain, c’est-à-dire entre le macrocosme et le microcosme, comme l’enseigne la célèbre Table d’Émeraude Hermétique :

A quoi correspond le loulab?
Il correspond à la colonne vertébrale. C'est ce qui est dit (Lév. 23, 40): « 
des rameaux d'arbre touffu ». Les branches doivent le couvrir dans sa majeure partie. Si ses branches ne le couvrent pas dans sa majeure partie, il n'est plus rien.
Pourquoi cela?
Ceci se compare à un homme qui a ses bras et avec eux, il protège sa tête. Ses bras cela fait deux, et avec sa tête, cela fait trois. C'est la raison d'être des trois mots ve'anaph ets aboth qui figurent dans ce verset. Le mot anaph (branche), à gauche; le mot aboth (touffu) à droite. Reste le mot ets (arbre) qui se trouve au milieu.55
Et pourquoi est-il dit ets (arbre)?
Parce qu'il représente la racine de l'arbre.

    Plusieurs siècles plus tard –au XVIIe– le cabaliste espagnol (et le seul a avoir écrit dans cette langue) Abraham Cohen de Herrera56, dans son texte La Porte du Ciel57, l’exprime de la manière suivante :

… les dix sefirot émanées qu’il est coutume entre les cabalistes de nommer hilana ou l’Arbre étendu de bras et branches et dit que c’est comme l’humeur ou la sève qui les emplissant de l’intérieur les humidifie et augmente et qui possède avec ces sefirot ou Arbre métaphorique la même proportion que possède l’âme avec le corps naturel et organisé qu’elle forme, vivifie et anime.

    Revoir continuellement les textes du « Livre de la Clarté », supports de méditation et de connaissance, c’est pénétrer des plans de plus en plus profonds et subtils de l’Être Universel, de l’Adam Qadmon Primordial qui s’exprime dans tous les mondes, denses et subtils, formels et informels, manifestés et non manifestés qui structurent un nouveau corps de lumière.

    Mario Satz, dans sa traduction en castillan de notre livre, déclare dans son prologue58 :

Personne ne vient à la Cabale par hasard : ses circonstances, la synchronisation de ses nuits et ses jours avec les jours et les nuits d’autres époques, doivent auparavant l’avoir projeté contre l’éclat du monde, qui s’élève entre l’abîme et l’extase. Là seulement, nu et silencieux, commence le processus de redécouverte, la lecture stellaire de la carte natale, le chaud pressentiment d’une famille au-delà des mers et des frontières. C’est alors qu’il découvre l’invisible compagnie de ceux qui, comme les immortels taoïstes, habitent la flottante, l’inspiratrice île du sens.

    Aryeh Kaplan a lui aussi réalisé la première traduction du Bahir en anglais59 dans laquelle il soutient l’ancienneté de ces enseignements et, les datant du premier siècle de notre ère, les attribue à Nehounia ben Hakana, l’un des principaux cabalistes de ce siècle, mentionné dans le texte lui-même ainsi que dans le Talmud. Ce serait une sorte de pré-Sefer Yetsirah car, bien qu’ayant été publié pour la première fois au XIIe siècle, il constitue une série d’enseignements oraux transmis par les écoles talmudiques et qui n’ont été mis par écrit qu’à cette date. Il déclare même que l’auteur présumé du Zohar, Simon bar Yohaï –un personnage mystique du IIe siècle à qui l’on attribue cette paternité–, semble être familiarisé avec ces idées et que c’est très probablement lui qui les expose.

    L’édition de A. Kaplan est minutieuse et, verset à verset, il commente le texte qui est également publié en hébreu. Il trouve même déjà dans le Bahir la doctrine du Tsimtsoum, généralement attribuée à Luria, aux versets 25 et 54, où bien sûr elle n’est pas aussi claire que dans le texte de Luria-Vital, L’Arbre de Vie (Etz Hachayyim), encore que, quant à nous, nous croyons la voir aussi dans le Zohar et dans l’œuvre de Cordovero. En fait, nous voudrions préciser que, pour notre étude, les dates et auteurs de ces textes sacrés (Sefer Yetsirah, Bahir, Zohar, et même les textes bibliques) sont secondaires en regard des textes en soi qui contiennent tout.

    Il nous reste à signaler que ce Sefer ha Bahir sacré a été traduit en latin par Flavius Mithridate –personnage important, également maître d’autres adeptes– à la demande de Jean Pic de la Mirandole qui est connu pour avoir été l’introducteur de la Cabale parmi les chrétiens de la Renaissance, ce qui a donné lieu, nous l’avons dit, à ce qui est appelé la Cabale Chrétienne.

NOTES
46 Il est également connu sous le nom de Midrach de Rabbi Nehounya ben Ha-Qana. Ce rabbin apparaît dans le traité Hékhalot Rabbati comme chef des sages d'Israël et maître humain de Rabbi Ismaël, les ayant tous convoqués afin de leur enseigner les secrets de l'ascension et de la descente du Char divin (Merkaba). Voir plus loin, et aussi Ch. IV, n. 179.
47 En ce qui concerne le shabbat et son inviolable inactivité, par exemple, voir le Nouveau Testament, où Jésus de Nazareth apostrophe les rabbins pour leur formalisme et conclut sur cette formule lapidaire : « Le sabbat est fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat. » (Marc 2, 27).
48 G. Scholem, Los Orígenes de la Cábala, compilation de R. J. Werblowsky. Ediciones Paidós. Barcelone-Buenos Aires, 2001, 2 volumes.
49 Pour réaliser cet ouvrage, nous nous sommes référés aux meilleures traductions disponibles et au matériel critique des grands spécialistes du XXe siècle, à commencer par Gershom Scholem qui, avec Charles Mopsik, Aryeh Kaplan, Moshe Idel et d'autres, est à la base de ce livre, même si nous ne sommes pas toujours d'accord avec eux.
50 Les rapports entre le peuple d'Israël et l'Égypte sont multiples, et commencent avec le premier exil, celui de Joseph, vendu à cette terre et acheté par Putiphar, eunuque de Pharaon et chef des gardes (Genèse 39 ss). Ensuite, l'histoire biblique nous conte l'épisode de Jacob devant abandonner sa terre et s'exiler en Égypte sur ordre de Yahvé (Genèse 46 ss) ; plus loin, l'esclavage en Égypte et la libération de Moïse et de son peuple. Cela s'est reproduit en de nombreuses occasions de contacts avec les peuples voisins ; la femme de Salomon était même fille du Pharaon de ce pays. Ces contacts durant des périodes prolongées doivent être pris en grande considération par les spécialistes de l'histoire des religions. De même en ce qui concerne le Nouveau Testament et le symbolisme de la fuite du Maître Jésus, également en Égypte, partie intégrante de l'histoire sacrée du christianisme.
51 Déjà dans le judaïsme du début du Ier siècle, Filon d'Alexandrie mentionne les émanations, encore que de manière allégorique. Au Ve siècle, dans les milieux chrétiens, il faut encore insister sur la présence de Denys l'Aréopagite qui assimile les éons aux Noms Divins, intermédiaires entre Dieu et sa création, symbolisés par des messagers aux noms d'archanges, d'anges, etc.
52 Nous avons adopté pour cette ligne la traduction castillane de Mario Satz. El Libro de la Claridad. Obelisco. Barcelone, 1992.
53 Le grain de moutarde dont on parle dans l'Évangile chrétien est une image du plus petit.
54 Cet anneau pourrait aussi bien être un cerceau ou une roue, dans ce dernier cas celles de la Merkaba. De toutes façons, la sphère qui tourne sur elle-même et celle qui l'entoure peuvent également représenter des réalités astronomiques, cosmologiques, à l'instar de la roue à l'intérieur de la roue des prophètes de l'Ancien et du Nouveau Testament.
55 L'Arbre séphirotique se construit ainsi, avec deux colonnes visibles et la colonne centrale, implicite et invisible, mais origine de la construction de l'ensemble. Celle qui est couronnée par Hokhmah est masculine, celle de Binah est féminine.
56 Juif à qui l'on attribuait une ascendance de noble origine judéo-chrétienne espagnole, il n'a pas écrit sa grande ouvre en hébreu ou araméen comme c'était cependant la tendance à cette époque. Grand voyageur, comme son père qui avait aussi été son maître, il a parcouru quasiment toute l'Europe. Très critiqué par de nombreux rabbins, sa vie a été aventureuse et mystérieuse. Il fut même emprisonné puis libéré par la reine d'Angleterre. Personnage agréable, diligent, érudit, il a vécu la Renaissance italienne et occupé plusieurs charges officielles en Toscane et à Amsterdam, capitale de la sagesse juive de l'époque ; c'est là qu'il est mort, en 1635.
57 Kenneth Krabbenhoft, qui a effectué une sélection et l'édition des textes de la Porte du Ciel, déclare dans son étude d'introduction : « La cabale apparaît durant les premiers siècles après J.-C., fruit de la rencontre du judaïsme rabbinique avec la philosophie platonicienne et d'autres courants contemporains, et son développement a été continuel jusqu'à aujourd'hui ». Plus loin et faisant référence à l'ouvre d'Herrera : « L'objectif de son ouvre principale, Porte du Ciel, n'était rien de moins que la réconciliation de la cabale de son époque avec le platonisme et le néoplatonisme païens, l'hermétisme ou gnosticisme de la Renaissance et la théologie chrétienne ». Abraham Cohen de Herrera, Puerta del Cielo. Fundación Universitaria Española. Madrid, 1987.
58 El Libro de la Claridad. Obelisco, Barcelona, 1992.
59 The Bahir. Traduction, introduction et commentaires d'Aryeh Kaplan. Samuel Weiser Inc. York Beach, 1989.