PRÉSENCE VIVANTE DE LA CABALE
FEDERICO GONZALEZ - MIREIA VALLS
CHAPITRE V
LA CABALE DE SAFED


Hayyim Vital.
La première chose qui attire l’attention chez cet auteur, ce sont les singularités de sa vie. Il fut tout d’abord l’élève de Cordovero, avec qui il travailla seulement un an et demi ou deux, jusqu’à la mort de celui-ci. À cette époque, il connut Louria, également à Safed, et étudia et travailla avec lui jusqu’à sa mort, qui se produisit deux ans après celle de Cordovero. Cela signifie qu’avec cette doctrine absorbée en si peu de temps, il a construit l’édifice de ce qui nous est parvenu aujourd’hui sous le nom de Cabale.

Cela est dû au fait qu’il ait été le transcripteur de la doctrine de ces deux grands cabalistes, en particulier de Louria, qui n’a écrit de sa propre main qu’un commentaire sur le Sifra di Tzeniuta et des chants pour la fête du sabbat qui sont encore chantés aujourd’hui. C’est donc lui le véritable auteur littéral de toutes les œuvres attribuées à Louria, il les a écrites personnellement, offrant le témoignage de ces enseignements.

D’un autre côté, tout cela lui avait été annoncé dès l’enfance, par différents signes et prédictions de divers mages et devins de sa propre tradition. Par chance, nous avons de nombreuses informations sur la vie de ce cabaliste, puisqu’il s’est lui-même chargé de les consigner dans son Livre des Visions252 (Sefer ha-Hezionoth), cet ouvrage autobiographique étant presque une anomalie non seulement dans la littérature juive, mais aussi dans le mysticisme en général.

Son œuvre a été multiple et variée, et s’est toujours basée sur les enseignements, comme il le dit, de son maître Louria. Elle peut être divisée en deux parties: le Etz ha-Chayyim (L’Arbre de la Vie), un très court commentaire cabalistique et métaphysique où les références géométriques et le thème des bras, ou des branches de l’Arbre, ont une grande importance, et le Shemoneh Shearim (Les Huit Portes), une œuvre volumineuse en textes et en contenus. Ce texte a été connu en 1660, mais avait déjà circulé en manuscrits séparés, puisque chacune de ces portes était un livre entier pouvant traiter aussi bien de la doctrine des émanations que du commentaire sur le Zohar et de nombreux autres traités talmudiques, suivant les principes lourianiques. Il fait également référence aux méditations, prières et contemplations magiques que Louria appelle Unification, l’un d’eux traitant même de physiognomonie. Il comprend également le Sefer ha-Gilgulim (Traité des Révolutions des Âmes),253 qui est en réalité le livre huitième des «Huit Portes» et qui traite de la transmigration des âmes, sujet qui lui était très familier puisque, selon son autobiographie, il le vivait dans sa propre chair.254 Dans «Les Huit Portes», il résumait toute la pensée de son maître (bien qu’écrite de sa propre main), et avec l’accord des principaux sages juifs du Moyen Orient, cela a été pris par la suite comme étant les enseignements véridiques de Louria.

Vital a écrit plusieurs autres textes de différentes sortes, se référant aussi bien au Talmud et aux coutumes juives qu’à l’ésotérisme de ce peuple. Ainsi, Sha’are Quedusha (Les Portes de la Sainteté), ou un ensemble de sermons exotériques et de Cabale populaire dont il n’existe que des manuscrits. Dans tous les cas, ces ouvrages ont connu de nombreuses versions et adaptations; Vital lui-même, qui y a travaillé pendant vingt ans, les a écrits et réécrits de nombreuses fois, désirant ainsi être fidèle à la pensée de Louria, qui était depuis le temps sa propre pensée, à plus forte raison ayant eu de son vivant une relation de type théurgique avec lui, au point, semble-t-il, qu’ils décelaient entre eux différents niveaux de communications invisibles.

L’attention est également attirée par le fait que notre auteur ait aussi étudié et pratiqué l’alchimie entre 1563 et 1565, ce qu’il semblerait avoir continué jusqu’à la fin de ses jours parmi les rares cabalistes ayant abordé ces études. Après cela, Vital (qui était d’origine italienne, son deuxième nom étant Calabrese), est ordonné rabbin à Jérusalem.255 D’après ce que l’on dit:

Il souffrit d’une maladie nerveuse qui lui imposait périodiquement des états dépressifs, ce qu’il expliquait par l’origine élevée de son âme affectée par la descente aux abîmes de la matière.

En réalité, comme nous le verrons en traduisant certains textes de son autobiographie, c’était une personne appelée à accomplir une mission –toujours trop élevée– qui était d’être l’un des plus grands transmetteurs de la Cabale, et donc de l’ésotérisme, jusqu’à aujourd’hui. La vie de Vital n’est en fait pas très différente de celle de bien d’autres cabalistes. Cela nous rappelle un texte d’Alexandre Safran, dans son ouvrage La Cabale256 qui dit:

«Où est Dieu?» se demande à tout instant l’homme de la Cabale. «Qui suis-je? Qu’est ma vie? D’où viens-je? Où vais-je? À qui dois-je rendre compte de mes actes?» L’homme ne parvient jamais à résoudre complètement l’énigme, non seulement du ne’elam, mais de l’olam non plus, bien que cette même énigme le rende conscient de son obligation d’exécuter la «volonté» de son créateur.

L’on pourrait dire que Vital, et par conséquent Louria, est une heureuse conjonction de la Cabale dite extatique d’Aboulafia avec la Cabale d’Espagne et de Provence, ce qui était implicite chez Aboulafia, et même chez Gikatila, qui furent capables de combiner ces deux différentes formes de poursuivre un même but.

Durant ses dernières années à Damas, il réunit autour de lui un groupe d’élèves, et son fils Samuel fut l’héritier de ses manuscrits, qu’il publia petit à petit. Ce fut un écrivain prolifique ayant traité, outre ses écrits cabalistiques, des textes moraux ou même exotériques, dont un livre alchimique de plus de 1500 entrées, que nous traiterons plus en avant,257 un autre ayant pour thème l’astronomie,258 et celui que nous allons présenter, un ensemble de notes autobiographiques d’une valeur extraordinaire à de nombreux aspects. Nous l’avons extrait du texte de Book of Visions, du Rabbi Hayyim Vital, traduit par Morris M. Faierstein dans son ouvrage déjà cité, Jewish Mystical Autobiographies, reprenant certaines de ses nombreuses notes, et le lecteur nous permettra de lui présenter dans ce chapitre une sorte de mini anthologie, presque sans commentaire, de ces intéressants et curieux écrits de Vital, pratiquement inconnus des connaisseurs et qui n’ont pas été publiés en espagnol.

Comme l’on peut le remarquer dans les propres déclarations de ce maître, loué soit-il, son destin était écrit et se passe de tout commentaire, tout comme cet exceptionnel document de la «mystique» juive est au-delà de tout commentaire.

Événements de ma vie
Voici les choses qui me sont arrivées depuis le jour de ma naissance, qui fut le premier jour de Hashvan de l’année 5303 après la création [1542].
1. Lorsque mon père et maître, loué soit-il, vivait hors de la terre d’Israël, avant que nous y émigrions, un grand sage, dont le nom est R. Hayyim Ashkenazi, fut reçu dans sa maison. Il lui dit: Saches que dans le futur tu voyageras à la terre d’Israël pour y vivre et là-bas un fils te naîtra. Nomme-le Hayyim comme moi. Ce sera un grand sage, et il n’y en aura aucun comme lui dans sa génération.
2. L’année 5314 [1554], lorsque j’avais douze ans, un grand expert en chiromancie vit les lignes de ma main et me dit: Saches que lorsque tu atteindras tes vingt-quatre ans, de nombreuses pensées entreront dans ton cœur qui t’obligeront à négliger l’étude de la Torah durant deux ans et demi. Ensuite, deux chemins se présenteront à toi, l’un pour le Paradis et le deuxième pour Gehenna. Le choix sera tien. Si tu choisis le chemin de Gehenna il n’y aura pas de personne plus mauvaise dans ta génération, et si tu choisis le chemin du Paradis, tu monteras à un niveau de sagesse et de crainte du péché plus haut que personne d’autre dans ta génération, chose démesurée. Aucune de ses paroles ne demeura inaccomplie.
3. L’année 5317 [1557], le R. Josef Karo, béni soit-il, ordonna à mon maître, le R. Moïse Alshekh, au nom de l’angélique Maggid, qui lui avait dit de soigner mon enseignement dans la mesure de ses possibilités car, dans le futur, je serai le successeur de R. Joseph Karo.
Il m’instruisit également à propos de mes études, au nom du Maggid déjà mentionné, disant que la moitié du monde existe grâce au mérite de mon père et maître, grâce au mérite du magnifique tefillin qu’il avait écrit, et que la moitié du monde existe grâce à mon mérite.
4. L’année 5325 [1565], le sage R. Lapidot Ashkenazi, loué soit-il, qui pouvait prédire l’avenir, était à Safed. Son habileté était telle que lorsqu’on amenait quelqu’un devant lui, qu’il fut vivant ou mort, même quelqu’un d’une génération antérieure, il leur disait tout au sujet de leurs affaires. Un jour je me rendis chez lui pour faire une commission, et il ne me montra aucune marque de respect, car il ne me connaissait pas. Le lendemain je retournais chez lui. Aussitôt qu’il me vit, il se leva immédiatement et me montra un grand respect. Il me dit: Pardonne-moi de ne pas m’être conduit respectueusement hier, mais je n’ai reconnu l’importance de ton Âme que la nuit dernière, lorsque tes vertus m’ont été connues. Je te conseillerai de changer toutes tes pensées sur les choses de ce monde et consacrer toutes tes pensées à élever ton Âme à sa place appropriée, car ce n’est pas une Âme de cette génération, mais une des Âmes du premier Tannaim. Si tu le désires, tu seras capable de monter à des hauteurs imposantes en accord avec l’immense grandeur de ton Âme, une chose sans mesure. Par conséquent, tu ne dois pas penser à toi-même comme une Âme humble, mais comme une Âme très élevée, car c’est la vérité. Pour cela, tu seras fortifié dans ton travail, comme nous lisons au sujet d’Hezekiah, «Son cœur fut élevé aux chemins du Seigneur» [2 Ch. 17, 6]. Saches que tu n’as qu’un péché que tu as commis par le passé et si tu répares ce péché, tu atteindras des hauteurs illimitées.
Plus tard, lorsque je connus mon maître l’Ashkenazi, béni soit-il, il me parla exactement comme dit plus haut. Alors, je lui dit ce que le R. Lapidot m’avait dit, ce qui correspondait à ce que lui disait, et il en fut très content.
5. La même année. Je vis une femme qui était experte en divination au moyen de laisser tomber des gouttes d’huile dans l’eau, et elle me dit: J’ai été très effrayée par ce que j’ai vu dans cette huile: indubitablement tu gouverneras Israël dans le futur. Il me semble que cela sera une ville au bord de la mer comme Sidon ou Tiberias. Je n’ai jamais vu personne, dans ma pratique de la divination par la goutte d’huile, à un niveau aussi haut dans toute cette génération.
6. L’année 5330 [1570] il y avait une femme sage qui prédisait l’avenir et était elle aussi experte en divination au moyen de la goutte d’huile. On l’appelait Soniadora.259 Je lui demandai de faire un enchantement sur l’huile, comme de coutume, en rapport avec ma compréhension de la sagesse cabalistique. Elle ne savait pas que me répondre jusqu’à ce qu’elle assuma «sa jalousie» [Nb. 5, 30], et renforça ses enchantements. Elle se leva, baisa mes pieds, et dit:
Pardonne-moi pour n’avoir pas reconnu la grandeur de ton Âme: l’importance de ton Âme n’est pas celle des sages de cette génération, mais celle de la génération des premiers Tannaim, selon ce que j’ai vu dans cette huile.
En réponse à ta question, voici ce qui m’a été montré dans l’huile: «En ce qui concerne cet homme qui interroge, les Sages Talmudiques, loués soient-ils, ont donné une analogie à travers la parabole mentionnée dans le Midrash Cantique des Cantiques au sujet du roi Salomon, béni soit-il: ‘Des eaux très douces bouillonnent d’un puits très profond. Personne ne sait comment tirer ces eaux vers le haut jusqu’à ce qu’une personne intelligente vienne et noue plusieurs cordes et descende boire’. Tu as le désir et soif de connaître une discipline appelée kabbalah, et tu t’interroge à son sujet; saches que tu comprendras, comme dans la parabole concernant le roi Salomon mentionnée plus haut, ce qu’aucun des sages qui t’ont précédé ne fut capable de comprendre. Un grand sage arrivera cette année à Safed, venu du sud, d’Égypte, et il t’enseignera sa sagesse.
Et il en fut ainsi, car cette année-là mon maître, béni soit-il, arriva d’Égypte.
7. 5331 [1571]. Je commençai d’étudier avec mon maître, loué soit-il, l’Ashkenazi, et il me dit toutes les choses qui m’avaient été dites en ce qui concerne mon Âme, qui sont écrites dans une autre section.
8. La même année. Mon maître, béni soit-il, m’envoya à la grotte d’Abbaye et m’enseigna cette Unification.260 Je fut uni avec son Âme et il me dit ces choses que j’ai écrites dans la section mentionnée plus haut.
9. 5334 [1574]. Le Rabbin Mas’sud Cohen vint à Safed depuis Dar’a. Il me dit qu’avant son départ il avait pris congé du grand sage et clairvoyant, le R. Abraham Avshalom. Celui-ci lui dit: Pour la vie [le-Hayyim] et pour la paix [le-Shalom]. Il répondit: la signification de ses mots est: Qu’il viendra à moi, je suis Hayyim, et il m’apportera ses salutations [Shalom]. Il lui donna tous les signes qui m’identifiaient et lui dit que j’étais un homme jeune qui vivait à Safed. Et il lui dit: Dis-lui, en mon nom, qu’il est le Messie, le fils de Joseph. Il ira à Jérusalem et il lui sera demandé d’y vivre durant deux années. La troisième année, l’esprit du Seigneur commencera à palpiter en lui. Dès lors, il y aura controverse à son sujet entre les gens de Jérusalem et la Galilée. Les gens d’Égypte aideront Jérusalem, mais la Galilée sera victorieuse. Il reviendra vivre en Galilée et mille milliers d’Israélites se réuniront autour de lui. Il règnera sur eux et leur enseignera la Torah. Ensuite, j’irai là-bas et je serai le Messie, le fils de David, et il sera le Messie, le fils de Joseph, mon envoyé. Il devra être prudent lorsqu’il ira à Jérusalem et ne pas réunir de gens autour de lui, car cela lui causerait grand mal et aussi parce qu’il serait mis en prison pour cette raison. En ce qui concerne ce que les sages ont dit que le Messie, le fils de Joseph, serait mort, je tenterai de toutes mes forces de le sauver de ce décret mauvais, car il est écrit à son sujet: «Il Te demandais la vie; Tu la lui as donnée» [Ps. 21, 5]. La signification de tout ceci est: Parce que le Messie, le fils de David, demandera à Dieu qu’Il donne la vie [Hayyim] au Messie, le fils de Joseph, qui s’appelle Hayyim, et Dieu lui accordera la vie.
10. La même année, le R. Mas’ud mentionné auparavant posa une question divinatoire sur moi en s’éveillant du sommeil.261 On lui dit qu’après les deux ans mentionnés précédemment, une riche veuve, qui avait entendu parler de moi, viendrait d’un pays chrétien pour se marier avec moi, et je me marierai avec elle. Elle est une transmigration de l’épouse de «Tumus Rufus»262 qui épousa le Rabbi Akiva et je suis la transmigration de Rabbi Akiva. Après, j’aurai de nombreux disciples et j’assurerai sa subsistance pendant quinze ans, et alors aura lieu ce que Dieu décidera pour moi.
11. 5337 [1577]. Je fis un voyage en Égypte et un autre sage de Dar’a vint et me dit tout, tel que cela m’avait été raconté par R. Mas’ud au nom de R. Abraham Avshalom, comme il est mentionné à la section neuf.

Passons maintenant à ses rêves, que nous abordons sans considération des méthodes analytiques freudiennes, ni d’aucune autre, parce que cela dépasse toute interprétation littérale.

Mes songes
Voici les songes que j’ai rêvés, bien que j’aie oublié beaucoup de rêves.
3. 5324 [1563]. La première nuit d’Heshvan en m’éveillant du sommeil je posai une question sur certaine femme, si elle était ma compagne prédestinée.263
Dans le rêve il y avait une grande maison avec deux entrées, une à l’est et une à l’ouest. Le père de la femme était dans la maison et moi j’étais dehors à l’entrée de l’ouest. J’avais deux ailes, comme les ailes d’un grand aigle. Son père me dit: Entre dans la maison et voyons si je peux t’attraper. Je lui dis: Tu ne connais pas mon nom –tous m’appellent celui qui a des ailes– comment pourrais-tu m’attraper? De nouveau il me dit: Entre et nous verrons si je le peux. Alors je levai mes ailes et volai au-dedans par la porte de l’ouest et au-dehors par celle de l’est. Ensuite, je volai dans les airs à ma guise et le père de la femme était comme une pierre inanimée, incapable de bouger de sa place.
4. 5325 [1565]. Mon épouse, Hannah, s’était engagée à se marier avec moi et nous eûmes une dispute. Je posai une question-songe, si je devais me marier avec elle. Ils me répondirent avec un verset: Vas et dis-leur, «retournez dans vos tentes» [Dt. 5, 27].
5. 5326 [1566]. Vendredi soir, le 8 de Tevet. Je récitai le kiddush et m’asseyais à table pour manger. Je versais des larmes copieuses et j’étais déprimé et mélancolique parce que le dixième du mois de Heshvan précédent je m’étais marié avec mon épouse Hannah, déjà mentionnée, et j’avais été pris par l’envoûtement. Je dis à Dieu, Béni soit-Il: je suis revenu à elle pour le résultat à la question-songe mentionnée précédemment. Comment est-ce possible qu’une si terrible tragédie me soit survenue –en particulier, parce que cela concerne le péché des émissions nocturnes, dont je me garde? Je pleurais également pour les deux années où j’avais négligé l’étude de la Torah ce que j’ai écrit dans la section concernant mon Âme. Mon angoisse était si grande que je ne mangeai rien. Je me mis au lit en pleurant, allongé sur le ventre jusqu’à m’endormir loin de toutes ces larmes et je fis un rêve merveilleux.264
Je me vis assis dans la maison de Rabbi Shem Tov ha-Levi, bénie soit sa mémoire, récitant les prières minha, signalé instant de grâce du Sabbat. Après les oraisons, un vieil homme s’arrêta devant moi et il ressemblait à mon voisin Rabbi Hayyim ha-Levi Ashkenazi, bénie soit sa mémoire. Il m’appela par mon nom et me dit: Rabbi Hayyim, veux-tu venir aux champs maintenant, avec moi, accompagner la Reine du Sabbath qui s’en va, ainsi que tu as coutume de le faire lorsqu’elle arrive, et là-bas je te montrerai des choses merveilleuses? Je lui dis: Je suis là. Nous sortîmes au-dehors, vers le mur de la vieille tour qui est du côté ouest de Safed, à l’opposé du khan, un lieu où il y avait eu auparavant une porte dans le mur. Je regardai et vis une très haute montagne, dont la cime se trouvait dans les cieux. Monte à la montagne avec moi et je te dirai pourquoi on m’a envoyé à toi. En un clin d’œil je le vis monter au sommet de la montagne et je demeurai en bas, sans pouvoir monter, parce qu’elle était perpendiculaire, comme un mur, et non pas inclinée comme d’autres montagnes. Je lui dis: je suis étonné. Je suis un homme jeune et je ne peux absolument pas monter et toi tu es vieux, et cependant tu montes en un clin d’œil. Il me dit: Hayyim, ne sais-tu pas que chaque jour je monte et descends cette montagne mille fois pour accomplir les missions de Dieu? Comment peux-tu t’étonner de moi? Lorsque je me rendis compte qu’avant il m’avait appelé Rabbi Hayyim et maintenant Hayyim et non Rabbi Hayyim, et aussi lorsque j’écoutai ses paroles terrifiantes, je sus qu’il était véritablement Elijah, de la tribu de Lévi. Je me brisai et commençai à pleurer de terreur. Alors, plein de larmes je le suppliai et lui dit: «Aie pitié pour ma vie» [2 Rois 1, 14] et emmène-moi là-haut avec toi. Il me dit: N’aie crainte, c’est la raison pour laquelle on m’a envoyé à toi. Il prit mes bras et me mena au sommet de la montagne avec lui, en un clin d’œil. Je regardai et vis un escalier dont le bas était appuyé sur la cime de la montagne et dont le sommet allait jusqu’au ciel. L’escalier avait seulement trois marches et la distance entre chaque marche était approximativement de la hauteur d’un homme. Il me dit: L’on m’a donné la permission de t’accompagner seulement jusqu’ici. À partir de là, tu verras ce que tu peux faire. Il disparut et je pleurai de grande affliction.
Une femme distinguée, belle comme le soleil, s’approcha du sommet de l’escalier. Je pensai, dans mon cœur, que c’était ma mère. Elle me dit: Mon fils, Hayyim, pourquoi pleures-tu? J’ai entendu tes larmes et je suis venue t’aider. Elle tendit la main droite et m’éleva jusqu’au sommet de l’escalier. Là je vis une grande fenêtre ronde et une grande flamme en sortant, en arrière et en avant, comme un éclair, et elle brûla tout ce qui se trouvait là. Je savais en mon âme que c’était la flamme de l’épée tournoyante qui est à l’entrée du Jardin d’Éden. [Gn. 3, 24]. J’appelai la femme avec une grande tristesse et lui dis: Ma mère, ma mère, aide-moi, que l’épée ne me brûle pas. [Elle dit] Nul ne peut t’aider avec cette flamme; tu es seul! Mais je te conseillerai dans ce que tu dois faire: Mets ta main sur ta tête et tu y trouveras du coton, blanc comme la neige. Prends-en un peu et pose-le sur la fenêtre enflammée et elle se fermera. Passe alors rapidement.
À mon humble opinion, le coton qui était devenu blanc étaient les cheveux noirs de ma tête –qui sont le jugement– selon certains mérites du secret «Et les cheveux de Sa tête étaient comme de la laine pure» [Dn. 7, 9]. Je fis ce qu’elle me dit et je passai rapidement. En un moment la flamme se lança au-dehors comme précédemment. Puis la femme disparut.
Elijah, béni soit-il, réapparut comme avant, prit ma main droite et me dit: Viens avec moi à l’endroit où l’on m’a envoyé pour te conduire à l’origine. Il me conduisit à un patio immensément grand avec de grandes rivières qui coulaient à travers pour arroser le jardin. Sur les deux rives des rivières il y avait d’innombrables arbres luxuriants pleins de fruits mûrs. La plupart étaient des pommiers qui embaumaient la myrte et l’aloès. Les arbres étaient immenses et leurs branches se courbaient vers le bas et touchaient presque le sol. Leurs extrémités semblaient un sukkah. Il y avait dans le jardin des oiseaux innombrables, qui semblaient des canards blancs, traversant le jardin de long en large, et récitant des mishnahs du traité Shabbat. C’était alors la nuit du Sabbat, au commencement du songe. Au cours de leurs pérégrinations, ils récitaient un mishnah ou un chapitre, dressaient leurs cous et mangeaient des pommes des arbres, puis buvaient l’eau des rivières. C’était là leur activité permanente. Ils m’avaient fait savoir que c’étaient les âmes des zaddiqim, les Maîtres de la Mishnah. Néanmoins, je ne savais pourquoi ils avaient la forme de canards et d’oiseaux et non la forme de personnes. Il me conduisit plus au centre du jardin jusqu’à ce que je visse un attique grand et haut, comme s’il était au-dessus d’une grande hauteur, mais il n’y avait nulle maison au-dessous. Sa hauteur au-dessus du jardin était de la hauteur d’un homme. Sa porte était à l’ouest et il y avait un escalier de trois marches de pierre, du sol à la porte de l’attique. Elijah, béni soit-il, disparut. Je montai seul l’escalier et entrai par la porte de l’attique. Je vis Dieu, Béni Soit-Il, assis sur une chaise au centre du mur du sud. Il ressemblait à l’Ancien des Jours, avec une barbe blanche comme la neige, d’une splendeur infinie. Les Zaddiqim étaient assis à terre devant Lui, sur de beaux tapis et des coussins, apprenant de Lui la Torah. Je savais en mon Âme que c’étaient les zaddiqim appelés bnei aliyah. Ils ont des traits humains, voient continuellement la Présence Divine et apprennent la Torah directement de Lui. Ce n’était pas là le niveau des Maîtres de la Mishnah. Ils avaient la forme d’oiseaux et de canards, parce qu’il en est dit: Celui qui voit un canard dans ses rêves devrait aspirer à la sagesse. Ils sont dans le patio et le jardin, mais ne voient pas la Divine Présence avec régularité, comme les habitants de l’attique, et n’apprennent pas de Lui la Torah.
Lorsque j’entrai et vis son visage je fus pris de confusion et devins la proie de la peur. Je tombai à terre la face à ses pieds et n’avais aucune force. Il tendit sa main et prit ma main droite et me dit: Hayyim, mon fils, lève-toi, pourquoi es-tu tombé sur ton visage? N’aie point de peur. Je lui dis: Seigneur, je n’ai pu réunir mes forces et ma beauté s’est transformée en corruption à ma grande peur et je n’ai pas la force de m’arrêter. Il me dit: Reprend-toi et fortifie-toi, lève-toi et assied-toi à ma droite à cette place vide, près de moi. Je répliquai: Comment pourrai-je m’asseoir à Ta droite à cette place, puisqu’elle est préparée pour Rabbi Joseph Karo. Il me dit: Au début je le pensais ainsi, mais ensuite je lui ai donné une autre place et celle-ci a été préparée pour toi. Je lui dis que c’était là la place du prophète Samuel, béni soit-il. Il me dit: Exact, ceci est sa place, mais quand le Temple fut détruit, il assuma de ne pas se rasseoir à cette place avant que le temple ne soit reconstruit dans le futur. Depuis lors, il est à Jérusalem, au Temple détruit, et y reste pour se lamenter jusqu’au moment de sa reconstruction. Donc, cette place reste vide et Je t’ai donné la permission de t’y asseoir. Alors je m’assis à Sa droite, littéralement près de Lui, comme les autres zaddiqim qui étaient là.
Il me dit: Cet endroit te plait? Je lui di : Qui pourrait louer la grandeur de cet attique? Vraiment, explique-moi: Pourquoi ces Maîtres de la Mishnah sont-ils différents des habitants de l’attique qu’il doive y avoir une si grande différence entre eux comme je l’ai vu de mes propres yeux? As-tu oublié ce qu’ont dit les sages, que par le futur Dieu leur donnera des ailes et qu’ils erreront sur les eaux? Ils l’ont dit de cette secte qui s’appelle les Maîtres de la Mishnah, qui sont à l’image d’oiseaux avec des ailes et errent sur les eaux que sont les rivières du Jardin d’Éden, comme tu l’as vu de tes propres yeux. Alors je Lui dis: Seigneur, je me souviens de ce qui est écrit dans l’introduction du Tikkunei Zohar au sujet du verset: «Si tu essayes, etc. la mère qui est couchée sur ses petits, etc., tu ne prendras que les petits» [Dt. 22, 6]: les pigeons sont les Maîtres de la Mishnah, les petits sont les cabalistes. Ce sont l’élite, ils sont à l’image d’enfants.
Je continuai et lui dis: Seigneur, «Si mon âme est digne à tes yeux» [2 Rois 1, 13-14] laisse-moi ici et ne me renvoie pas dans le monde, «car il est clair pour toi, que mon intention est de faire ta volonté et craindre, que mes passions ne me fassent pécher» et je perdrai cette place sacrée. Il me dit: Tu es encore un homme jeune et tu as encore du temps pour t’occuper de ma Torah et des commandements. Tu dois repartir afin de compléter ton Âme et à la fin de tes jours tu reviendras à cette place. Si tu crains de retourner dans le monde, donne-moi ta main droite et jure que tu ne laisseras de côté la Torah pour aucune autre tâche, et Moi Je te jurerai aussi que si tu le fais, cette place ne sera donnée à aucun autre en aucune circonstance. Ce sera ta place, à ma droite, pour toujours. Je tendis ma main et jurai de respecter tout ce qui précède et Il jura aussi d’accomplir Ses paroles. Il me dit: Va en paix et n’oublie pas toutes ces choses. Alors je descendis seul de là et me trouvai dans le monde, au milieu du songe, et ne vis aucune des choses que j’avais vues lorsque je montai tout d’abord.

Il est en tout cas clair que si les transmutations sont réalisées sur tous les plans et avec les noms divins et le pouvoir qui les marque, le passé, le présent et le futur sont abolis et tout est vécu sur un autre plan de conscience, et l’âme individuelle se réunit avec l’âme universelle même si la psyché du cabaliste doit s’arranger avec les images emmagasinées, avec sa mémoire, sa conscience, qui les traduit selon les programmes absorbés, qui englobent tout ce qui lui a été enseigné et tout ce qu’ont perçu ses sens. D’où le fait que toutes les traditions se soient vécues comme le centre du monde, comme la tradition des enfants d’Israël. Ainsi la Cabale et sa persistance durant des siècles, l’étude et la méditation sur la Torah, les autres livres sacrés bibliques ainsi que le Talmud ont créé un domaine théurgique où la possibilité est donnée d’envisager de vivre avec trois âmes, en permanente communication, montant et descendant sur l’Arbre de Vie qui décrit les Numérations et les Noms Divins, que le cabaliste énonce avec précision, comme Louria et Vital, et constituent la possibilité du tiqoun, la rédemption.

Mais il n’y a pas en Dieu d’acception de personnes, donc il n’y a pas non plus de religion possible, bien que l’appareil religieux et le moyen mystique soient des adjuvants de grande valeur pour la réalisation spirituelle, c’est-à-dire la Connaissance de ces plans et de leurs interrelations, de la même manière que la décrit l’Arbre magique de la Vie et les extraordinaires commentaires des livres cabalistiques –ce que produit le polyfacétique savoir du cœur ou l’intuition intellectuelle comme éclair rédempteur.

Voyons à présent quelques extraits –comme ceux que nous venons de voir– du plus important de ces textes, la quatrième partie, où Vital nous raconte ce que Louria lui a dit de son âme, et qui développe une cosmogonie précise qu’il faut étudier ponctuellement et dont le nombre de pages ne nous permet pas de la publier ici au complet, bien que nous aurions aimé le faire.

Choses que me dit mon maître au sujet de mon âme
Voici les choses que mon maître, béni soit-il, me dit me concernant et sur l’origine de mon Âme.
1. Au Rosh Hadesh Adar (le premier jour de l’année) de l’année 5331 [1571], il me dit qu’il avait commencé à obtenir sa compréhension alors qu’il se trouvait en Égypte. Là, il lui fut indiqué de se rendre à la ville de Safed parce que moi, Hayyim, vivais là-bas, afin de m’instruire. Il me dit qu’il était venu vivre à Safed, Dieu veuille qu’il se refasse et se rétablisse rapidement, seulement pour moi et pour nul autre. Pas seulement cela, car la raison principale de cette transmigration n’était cette fois que pour moi, pour me compléter. Il n’est pas venu à cause de ses propres besoins, car il n’avait pas besoin de venir.
Il me dit aussi qu’il ne demandait à enseigner à nulle autre personne que moi, et lorsque j’aurai appris il n’y aurait plus de raison pour lui de rester en ce monde.
Il me dit également que l’essence de mon Âme était sur un plan plus élevé que de nombreux anges très exaltés et que je serai capable de monter avec mon Âme, au moyen de mes actes, plus haut que le firmament d’Aravot.265
2. Je lui demandai de m’informer sur mon Âme, mais il ne voulut pas révéler tous les détails. En effet, il me dit ce qui suit en termes généraux:
J’ai été auparavant le Rabbi Vidal de Toulouse, auteur du Sefer Maggid Mishneh, et son nom était le même que le mien maintenant. Ensuite, j’ai transmigré dans un homme appelé R. Joshua Soriano. Il était riche, âgé, charitable et fréquentait la synagogue matin et soir. Plus tard, j’ai transmigré dans un enfant dont le nom était Abraham, qui avait treize ans et mourut à quatorze. Finalement, je suis arrivé à cette transmigration en ce temps et mon nom est Hayyim, comme le nom du premier Don Vidal, auteur du Maggid Mishneh. Il me dit que si j’avais besoin de transmigrer de nouveau, la raison en serait que, dans l’une de mes premières transmigrations, je ne croyais pas beaucoup en la sagesse du Zohar. À ces paroles je compris que cela était survenu durant la transmigration lorsque j’étais [l’auteur du] Maggid Mishneh, mais il ne voulu pas révéler l’affaire.
Il me dit que la première chose qu’il fallait que je répare dans cette transmigration était de m’occuper de la sagesse du Zohar.
Il me dit aussi que lorsque j’étais dans la transmigration de [l’auteur du] Maggid Mishneh, j’étais un profond étudiant de philosophie. Par conséquent, je n’ai pas le désir de me consacrer à l’étude de la philosophie, à présent. Il me dit également que toutes ces transmigrations sont seulement de l’aspect de mon Animus [Nefesh], mais les aspects de l’Esprit [Ruah] et de l’Âme [Neshamah] sont du ressort d’autres transmigrations.266
3. Il me dit aussi que lorsque j’avais treize ans, l’Animus de R. Eleazar ben Arakh, le disciple de Rabban Johanan ben Zakkaï, béni soit-il, a été imprégné en moi à travers le secret de l’imprégnation.267 Plus tard, lorsque j’avais vingt ans, l’Animus de R. Eleazar ben Shammua, le disciple de R. Akiva, béni soit-il, s’est imprégné en moi. Vu qu’il fut l’un des dix martyrs, ses mérites étaient plus grands que ceux du R. Eleazar ben Arakh. Maintenant, en l’an 5331 [1571], alors que j’ai vingt-neuf ans, l’Esprit de Rabbi Akiva plane au-dessus de moi et m’entoure afin d’être imprégné en moi, avec mon Animus.
4. Ensuite, le premier jour intermédiaire de la Pâque, j’ai été avec lui à un village appelé Akhbara et là, dans le potager, nous sommes entrés dans la grotte de R. Yannaï. Un ruisseau coulait au-dehors par l’entrée de la grotte et l’entrée était très étroite.
Il me dit que R. Yannaï n’était pas le seul à être enterré là. Cependant, R. Dostaï et R. Nahoraï ne sont pas enterrés là –comme il est écrit dans le Sefer Yihus Zaddiqim.
Là, son Animus s’unit à l’Animus de R. Yannaïo et au cours de leur conversation, R. Yannaï lui dit: Je suis R. Yannaï, dont c’est ici la tombe. Saches que comme Dieu, Béni Soit-Il, a dit: Va et dit-lui à cet homme, Hayyim, qui est venu avec toi qu’il doit se garder des commérages, de dire et rapporter des commérages et du bavardage inutile. Il doit être très humble et je serai avec lui partout.
5. Mon maître, le sage, béni soit-il, me dit aussi ce jour que mon Animus avait une connexion et une base dans l’Animus de Moïse notre maître, qu’il repose en paix, puisque toute la collectivité des Âmes était incluse dans la sienne, en particulier les Âmes des zaddiqim. Une part de mon Animus était définitivement à lui, mais il ne m’a pas encore parlé des aspects de l’Esprit et de l’Âme. Cet Animus a alors transmigré plusieurs fois jusqu’à transmigrer en Rabban Johanan ben Zakkaï, béni soit-il, puis en Rabbi Akiva, béni soit-il. Puis il a transmigré plusieurs autres fois avant de transmigrer en Abbaye, appelé Nahmani, le collègue de Rava. Il me dit que c’était là la signification ésotérique de l’affirmation Talmudique qui dit que trois personnes ont vécu durant 120 ans: Moïse, Rabban Johanan ben Zakkaï et Rabbi Akiva. Moïse passa quarante ans dans la demeure du Pharaon, quarante à Madian et quarante il conduisit Israël. Pareillement, Rabban Johanan ben Zakkaï passa quarante ans en occupations, étudia quarante et enseigna quarante. Rabbi Akiva également: quarante ans il fut un ignorant, il étudia quarante et quarante il enseigna. La transmigration postérieure en Abbaye est insinuée dans l’affirmation Talmudique que Rabban Johanan ben Zakkaï ne renonça pas [à l’étude] des Écritures, Mishnah,… et les discussions d’Abbaye et Ravah. Comprend cela.
Puis cet Animus s’est incarné en un des Saboraïm appelé Rav Ahaï, dont le Talmud dit «Rav Ahaï objecta.» Il me dit qu’il lui paraissait que ce Rav Ahaï était ce même Rav Ahaï de Shabha qui était l’auteur du Sheiltot. Ensuite, cet Animus transmigra en Rav Dostaï Gaon. Plusieurs transmigrations passèrent avant qu’il transmigre en R. Aaron ha-Lévi, le petit-fils de R. Zerahiah ha-Lévi, l’auteur de ha-Maor. Plus tard, il transmigra dans le rabbi, l’auteur du Sefer Maggid Mishneh. Après, en R. Joshua Soriano. Ensuite, dans un enfant appelé Abraham, comme nous l’avons mentionné. Puis il transmigra en moi; Je suis maintenant le jeune Hayyim.

La transmutation alchimique est le processus spirituel qui se déroule dans l’âme de l’adepte,268 qui va connaître différents plans de la réalité, reflétés en lui-même, et c’est sur une voie ascendante comme se développe le sentier inversé de l’Arbre séfirotique cabalistique, afin de mener le Plan d’Asiyah à celui d’Atsiluth, d’activer cette connaissance des différentes âmes ou mondes que l’être humain possède en soi, c’est-à-dire la métanoïa grecque. En alchimie, le récipient, sujet du Grand Œuvre, doit –au moyen de dissolutions et coagulations– se transformer progressivement du plus dense au subtil, tout comme le solide se liquéfie avant de finalement se transformer en gaz; tout ce processus se vérifie dans l’âme de l’adepte qui de cette manière prend part aux révolutions cosmiques, puisque l’initiation est comparable à la gestation d’une création, comme celle du monde. D’où l’identification entre Cabale et Alchimie, unies en tant que méthodes, ou mieux, comme possibilités intellectuelles révélées aux hommes par diverses entités spirituelles, qui portent les Noms Saints assignés à toutes les choses de la Création.

Nous avons déjà fait référence à l’atmosphère sacrée, et même pieuse, qu’avait alors pris la ville et qui agit comme un ferment permettant l’apparition de plusieurs prophètes. Dans une telle atmosphère d’unité, d’ordre et d’harmonie, de discipline et d’intellectualité, qui caractérisait ce centre (comme ceux de Provence et d’Espagne auparavant), il n’était pas anormal que cette prédisposition s’incarne plus tard en une entité, le peuple juif, sa culture et sa pensée, c’est-à-dire les enfants d’Israël, qui ont su recréer cet espace, cette présence jusqu’à nos jours, où la Cabale a récupéré une grande partie de sa valeur d’antan.

Il ne faut donc pas s’étonner que dans une atmosphère de cette sorte, où la Cabale vit et agit dans l’existence de la communauté juive, pour une grande part consacrée à la transmutation (verticale), la métempsychose se produise, qui en est la projection sur le plan horizontal, qui renferme les personnalités et les énergies propres à la culture de ce peuple, les ancêtres avec lesquels elle communie et cohabite, constituant une entité si puissante qu’elle peut s’incarner sans cesse dans les membres de cet espace et produire une renaissance de cette culture, c’est-à-dire la découverte de lumière, une cité secrète dont l’entrée est une minuscule amande située à la base de la colonne du microcosme, bien gardée par les anges, gardiens qui facilitent ou interdisent l’accès à toute connaissance.



deuxième partie


NOTES
252

Morris Faierstein. Jewish Mystical Autobiographies. Book of Visions and Book of Secrets. Paulist Press, New York, 1999.

253

Hayyim Vital. Traité des Révolutions des Âmes. Ed. Arché, Milan, 1987. Ce traité a été adapté par la Cabale Chrétienne et est rempli, outre les références à l’Ancien Testament, de citations du Nouveau Testament, les Faits des Apôtres, les Épîtres de Paul, etc. Il a été publié à l’origine dans la Kabbala Denudata, tome II, de Knorr von Rosenroth.

254

Il ne faut pas confondre la transmigration des âmes propre à des traditions très fermées comme la Cabale (gilgoul) ou la ritualisation permanente du Bouddhisme Mahayana, dans lesquelles les ancêtres sont toujours là puisque l’on communique avec eux en permanence, aussi bien les ancêtres mythiques que les réels, qui habitent un espace différent mais tout aussi valide, avec ce que l’on croit aujourd’hui être la réincarnation.

255

Son prénom, Hayyim, signifie en réalité vie. Son nom complet signifie donc deux fois la Vie.

256 Alexandre Safran. La Cábala. Ed. Martínez Roca, Barcelona, 1976.
257

Le manuscrit original se trouve à la Moussaieff Collection, à Jérusalem. Une copie sur microfilm se trouve à l’Institute of Microfilmed Hebrew Manuscripts de la Jewish National and University Library de Jérusalem.

258

Sefer ha Tekhounah.

259

L’on peut observer que la majeure partie des vaticinations sont «coagulées» par des femmes, beaucoup desquelles sont mentionnées dans la vie et les rêves de Vital. Voir Lawrence Fine, Physician of the Soul, Healer of the Cosmos, Stanford University Press, Stanford, Californie, 2003, ch. 3, “Charismatic Women”.

260

Voir A. Kaplan, Meditación y Cábala, Equipo Difusor del Libro S.A., Madrid, 2002.

261

Cette méthode divinatoire, où la question doit être posée tout juste au réveil, est propre à la tradition juive.

262 Selon la légende Talmudique (B. Avodah Zarah, 20a : B. Nedarim, 50b), sa femme se convertit et épousa Rabbi Akiva, apportant avec elle une fortune considérable.
263

Il semblerait que Vital se soit marié trois fois.

264

Voir l’analyse faite par Idel sur la relation entre les pleurs et la révélation, car ce rêve est évoqué à ce sujet dans Kabbalah-New Perspectives.

265

Aravot est le septième ciel.

266

«Animus, Esprit et Âme sont les trois parties de l’Âme. J’ai utilisé ces termes en raisons de leurs équivalences hébraïques. Cette division tripartite de l’Âme se trouve déjà dans le Zohar…» (note du traducteur en anglais).

267 L’Imprégnation (ibbour) diffère de la transmigration (gilgoul), où l’imprégnation est l’entrée temporaire d’une âme supplémentaire dans une âme qui ne peut, pour de nombreux motifs, être suffisante en soi, bien qu’elle soit nécessaire dans un but déterminé.
Le cabaliste ne se voit pas comme le sujet de la création, encore que dans son parcours vers l’Être il ait dû jouer ce rôle de miroir du macrocosme. Il s’assume plutôt en tant que partie d’un processus auquel il participe et qui lui vient de ses ancêtres, c’est-à-dire la révolution des âmes. Et il se projette dans un futur tout aussi indéterminé, et donc incertain, du point de vue de l’individualité.
268 L’on voit en petit, dans le microcosme, ou dans l’âme, ce qui est en grand le devenir permanent de l’univers, deux processus qui, unis, constituent l’intégration dans la cosmogonie.