LA CABALE DE CASTILLE (suite) |
Le
Zohar En effet, non seulement plusieurs des spécialistes et connaisseurs de la langue qui ont étudié ses manuscrits sont de l'avis qu'il fut l'auteur du Zohar, mais Gershom Scholem croit que les analyses linguistiques et stylistiques ne réfutent absolument pas cette possibilité, et l'avéreraient plutôt, ainsi que son opinion quant à l'influence gnostique qu'il octroie à nombre des contenus, ainsi que nous l'avons vu dans le cas du Bahir. Dans l'un de ses ouvrages, intitulé Zohar, le Livre de la Splendeur, où il présente une soigneuse sélection138 de textes de ce corpus sacré, il nous dit, dans son introduction :
L'on ne peut nier que, dès sa parution, certaines factions traditionnelles taxèrent l'auteur du Zohar d'imposteur, de falsificateur littéraire et de profanateur139, ce qui fit que ce livre ne fut pas exempt de polémique et, nous le verrons plus loin, est encore aujourd'hui l'objet de controverses. Comme le déclare encore Scholem dans son opuscule :
Cet érudit, ainsi que Charles Mopsik, a comparé le Zohar à d'autres textes de Moïse de Léon, et tous deux concordent entièrement sur le fait que les rapports entre toutes ces ouvres ne sont aucunement superficiels ni casuels, bien que l'on puisse déceler quelques années de différence dans leur rédaction, ce qui porte Scholem à conclure ainsi :
Quoi qu'il en soit –et nonobstant les discussions et les convulsions qui entourent fréquemment l'apparition des textes sapientiels, promoteurs en soi de ruptures de niveau–, il est fait dans ce texte, qui est un midraschim, de constantes références à la Torah, et à ses sages, dont il est un commentaire détaillé. Ce plan de l'ouvre se réfère à tout Le Livre de la Splendeur auquel, bien qu'il porte sur la Torah (les cinq livres du Pentateuque), viennent s'ajouter également d'autres livres bibliques141 et divers traités indépendants, certains desquels ont été considérés comme des apocryphes mais font partie intégrante du corps d'enseignements cabalistiques connu sous le nom de Zohar.142 Afin d'éclairer un peu la complexité de désignation des diverses compositions de cette ouvre volumineuse, nous préciserons les noms en hébreu de chacun des livres du Pentateuque qui y sont commentés et qui sont les suivants : Genèse (Berèchit), Exode (Chemot), Lévitique (Wayi-qra), Nombres (Bemidbar) et Deutéronome (Devarim) ; ceux-ci sont à leur tour divisés en nombreuses sections qui sont l'objet des commentaires et des recréations mythiques et littéraires. Autant sont courts le Livre de la Formation et le Livre de la Clarté ainsi que les brefs traités de Provence et de Gérone, autant le Zohar est volumineux : sa récente édition française traduite par Charles Mopsik et publiée par Verdier dépasse les mille cinq cents pages.143 C'est avec celle-ci que nous avons travaillé pour cette étude, ainsi qu'à l'aide de la version en castillan de Léon Dujovne144, qui était venue combler un vide puisqu'il n'avait pas été publié dans cette langue ; en réalité, il n'y a que peu de versions de ce livre en quelque langue que ce soit et toutes ont été remarquées et sont devenues célèbres dans les pays où elles ont été éditées. Le Zohar parachève le processus de gestation commencé par le Sefer Yetsirah, le Bahir et les diverses influences où il couvait comme les Cabales de Provence et de Gérone auxquelles nous avons fait référence et qui, en Castille, débouchèrent sur la figure du copiste Moïse de Léon et son entourage. Ce sage, très probablement en étroite collaboration avec un petit groupe d'adeptes qui, en raison de leur unanimité de pensée, ne peuvent pas être distingués comme des individualités dans le texte, a réalisé un immense travail de synthèse doctrinale –issu de diverses sources traditionnelles– qu'il a intégrée dans un discours de forme juive, mais possédant de nettes réminiscences néoplatoniciennes et néo-pythagoriciennes, hermétiques, gnostiques et même chrétiennes. Voyons à ce sujet les investigations de Mopsik, comprises dans le prologue du tome III du Zohar édité par Verdier :
Et d'expliquer à un autre moment :
En outre, l'écrivain contemporain, faisant montre d'une grande ouverture d'esprit qui passe outre les moules rigides et les haines religieuses, affirme :
La majeure partie de la pensée cabalistique, de même que le système séfirotique, tels qu'ils sont parvenus aujourd'hui, sont déjà aboutis dans le Livre de la Splendeur. Selon Scholem, des questions aussi complexes et fondamentales que la théosophie de l'En Soph, le nom conventionnel pour tenter de décrire quelque chose d'indescriptible, n'avaient pas encore été élucidées dans la Cabale avant l'apparition de ce livre dont son traducteur en castillan Léon Dujovne145, que nous avons déjà cité, dit dans son introduction :
Et il manifeste :
Effectivement, le Zohar a commenté de diverses manières le rite génésique de l'union, car cela n'est rien de moins que la compréhension du cour de la création, puisqu'il s'agit de l'Amour de Dieu pour ses créatures et de la nécessité qu'Il a que cet Amour soit réciproque pour Être. C'est ce dont traite la relation de Keter avec sa Chekhinah, Malkhout, par l'intermédiation du Métatron, Tiferet, c'est-à-dire du Roi avec son épouse, ou sa fiancée, –parfois sa fille–, basée fondamentalement, nous l'avons observé, sur le Cantique des Cantiques dont le Zohar inclut un commentaire qui fait de nombreuses références au corps humain en tant que cosmos en miniature. Voyons ici un texte d'une grande beauté tiré de la traduction de Dujovne (Zohar, Exode, section Mishpatim) qui exprime cette union, dans ce cas précis celle du Principe ou Esprit universel, et de l'âme :
Le Zohar fut écrit en hébreu et en araméen, et son nom vient de Daniel XII, 2 :
Nous sommes bien sûr très loin de pouvoir effectuer une analyse détaillée du Zohar, et encore moins dans notre contexte, car une ouvre de ce type et de cette taille exigerait plusieurs volumes, et encore nous ne pourrions que traiter certains points essentiels qui sont précisément ceux que nous souhaitons exprimer ici. Dans ce livre de livres se trouvent réécrites de bien des façons possibles les vérités éternelles, toujours surprenantes et saisissantes, dont le but est de sauver l'être humain de l'erreur et de l'ignorance, et de l'introduire dans la splendeur de la conscience du Saint, loué soit-il, qui possède, nous l'avons deviné, bien des coins et des recoins. Mopsik, dans son introduction déjà citée, note :
Dans une atmosphère hors de la linéarité temporelle et un espace différent de celui que marquent les points cardinaux, un petit cercle d'adeptes se regroupe sous l'égide de rabbi Siméon bar Yochaï, surnommé « la Lampe Sainte » –sage mythique du IIe siècle qui vivait en Palestine et dont on dit qu'il est le père légendaire du Zohar. Par son intermédiation, ces rabbins reçoivent la révélation de hauts enseignements ésotériques et se reconnaissent comme intimement liés à la Torah, à l'intellection de laquelle ils se consacrent nuit et jour, devenant, selon les propres mots du Zohar, ses amants et ses transmetteurs :
Ce climat évocateur, porteur d'une grande charge de poésie et enveloppé du mystère de la Vérité intangible, se profilera et nuancera à chaque page de ce corpus volumineux, et invitera le lecteur de tous temps à pénétrer un monde intérieur et intime, a-historique, toujours pressenti, et en tout cas perpétuellement actuel :
Dans cette École de l'espace148 sont admis ceux qui désirent véritablement pénétrer les enseignements cosmogoniques et métaphysiques qui leur seront révélés graduellement, par la grâce céleste déversée dans leurs cours et par le biais de leurs efforts soutenus dans leurs travaux de concentration et de méditation :
Et nous voudrions à présent nous référer à certains de ces mystères, sélectionnant plusieurs fragments inspirés des différents livres du Zohar, en particulier ceux qui évoquent la réalité de l'Innommable et le déploiement de ses possibilités de manifestation.
Et la section Berechit de la Genèse commence par cette narration :
Et si le Sefer Yetsirah et le Bahir ont principalement mis en relief la métaphysique du langage, nous voudrions souligner quelques fragments du Zohar (qui abonde également dans cette symbolique) qui décrivent le Principe du Cosmos et de son émanation en se fondant sur des symboles numériques et géométriques, si semblables à ceux de la formulation pythagoricienne à propos de la genèse cosmique. Voici un court extrait, à titre d'ouverture :
Le premier tracé géométrique, celui qui, se contemplant lui-même, donne naissance à une droite, symbolise l'émanation de la première idée, appelée la déesse Sagesse, dont il est dit qu'elle se trouvait avec Dieu avant la création du monde et que c'est par son intermédiaire que l'univers fut créé. C'est elle, qui est également appelée Pensée, qui l' « invente » et le « conçoit ». Mais la Sagesse ne se reconnaîtrait pas elle-même sans la déesse Intelligence.150 Cette facette de la déité va de pair avec la rigueur et c'est elle qui règlera ta vie (qui mettra de l'ordre dans la vie de l'initié) car c'est elle qui choisit les valeurs, c'est d'autre part l'élément d'union qui conjugue la triade primordiale, ce qui signifie que c'est elle qui réalise l'union de Kether et Hokhmah, c'est-à-dire le premier mariage qui, libéré des opposés, forme la pièce de base primordiale dont le monde est créé, encore de manière archétypale, dans la première manifestation qui constitue le mouvement génératif sur un autre plan. En outre, l'Intelligence a toujours été liée à la rigueur, puisque le discernement prend effet au fil de l'épée : en tranchant tout ce qui n'est pas, l'intelligence brille avec ce qui la reflète et, simultanément mais inversement, elle peut tout ramener à l'unité essentielle.151 Voyons maintenant un exemple synthétique du déploiement cosmique à partir de la trinité essentielle :
L'architecture universelle possède un fondement numérique : les nombres sont des dieux, des idées dont les combinaisons dans des proportions et des rythmes différents génèrent des modules et des structures en interrelations qui constitue le « corps » invisible de l'Être unique :
En réalité, la construction du temple de Salomon, à laquelle la Tradition hébraïque accorde tant d'importance, s'appuie sur cette édification idéale émanant du Principe, et c'en est la projection à un moment déterminé tout en étant un vecteur de réalisation spirituelle pour les ouvriers qui l'érigent. Ces artisans, à l'instar de tous ceux qui se joignent à la tâche de régénération de l'univers avec d'autres supports, comme celui de l'écriture s'exprimant dans le Zohar, ne vivent pas leur existence comme une course aux mérites permettant de monter aux degrés supérieurs suivant des patrons préétablis, ni n'aspirent à être toujours « davantage » dans un monde factice de classes et de catégories, mais se joignent simplement au discours toujours vivant que la déité grave dans leurs cours, et participent au rite réitéré d'être tout ce qui est, dans un éternel présent.
Et pour percevoir la totale identité entre la structure macrocosmique et la microcosmique :
Un autre symbole de l'univers étroitement lié à l'art de la construction sur lequel s'étend le Zohar est celui des Palais, qui sont au nombre de 7 ou 9 et correspondent aux 7 sefiroth de construction ou aux neuf émanations, sans compter Kether, qui se présentent parfois sous forme d'édifications concentriques et possèdent certaines analogies avec les planètes, les entités angéliques, les vices et les vertus, les couleurs, les pierres, c'est-à-dire avec les diverses symboliques assimilées aux paysages de l'âme au cours du voyage d'élévation ou de retour à sa véritable demeure éternelle :
Ou cet autre passage :
Mais à de nombreux autres moments, cette structure organique se révèle à travers l'image de l'Arbre qui, ainsi que nous l'avons vu plus haut, est réaffirmée dans le Zohar comme pentacle ou modèle synthétique de l'univers :
Au centre de l'ouvre de construction cosmique, et la complétant, le Zohar place toujours l'homme, créé à l'image et ressemblance de la déité, donnant même au récit cosmogonique l'expression d'une symbolique anthropomorphique. C'est là un thème récurrent dans la Cabale, qui l'aborde dans diverses perspectives. Et nous nous demandons à quoi est due une telle réitération : tout d'abord, la narration de la Création et celle de l'être humain qui la couronne est un mythe, une expression symbolique qui insinue ou évoque un fait si majestueux et si inconcevable par la raison et la logique formelle que l'on a recours au support du langage des réminiscences. La Création au sens le plus large, qui englobe la totalité de l'Être Universel, avec ses quatre mondes ou plans si clairement indiqués sur le diagramme de l'Arbre de Vie, n'est pas une question chronologique, encore moins une fantaisie ou une spéculation de l'esprit humain, ni un support pour justifier un système mécanique, rigide et paralysant du monde, mais quelque chose de bien plus immense et transcendent. Si l'on peut s'exprimer ainsi, c'est la « décision » de l'Infini supra-conscient de prendre conscience de ses possibilités d'être et, les pensant, il « invente » la Manifestation Universelle, il lui assigne une « place », et c'est à l'être humain, la créature, qu'est octroyée la fonction d'intermédiaire, comme le lien ou la charnière qui peut expérimenter par l'intuition intellectuelle la paradoxale non-dualité entre les possibilités d'être et de ne pas être, c'est-à-dire faire l'expérience de l'Identité Suprême. Le supra-cosmique détermine dans le Principe toutes les possibilités d'être et, en un geste gratuit d'une générosité sans pareille, émane et déverse depuis sa face occulte153, inimaginable, une source de possibilités archétypales, formelles et concrètes dans le réceptacle de sa petite face154, la Création, un déploiement simultané et hiérarchique d'émetteurs et de récepteurs, d'images reflétées en d'autres images qui permettent d'avoir l'intuition de ce visage occulte sous-jacent, son origine, sa destination, qui transcende en même temps n'importe laquelle de ses manifestations. Et tout ce mystère est synthétisé chez l'être humain. L'un des symbolismes du Zohar pour évoquer de si surprenantes questions est celui des deux Visages :
Ou ce fragment :
Et, synthétisant :
L'important traité Sifra di-Tzeniutha156 –une partie du Zohar qui correspond à la Parashat Terumah, II 176b-179a– est en soi une synthèse de toute la Cabale et tout y est explicitement développé, bien qu'avec les codes et les figures, c'est-à-dire les symboles, propres à la langue des cabalistes. Comme dans le cas des Portes de la Lumière de Gikatila, commenter ce livre est assez malaisé car dans la tâche de citer ou souligner c'est tout qu'il faudrait en souligner, si grande est la richesse de son contenu dans son expression énigmatique. Cependant, nous tenterons de le faire afin d'éclairer nos lecteurs, n'indiquant que quelques-uns des passages que nous n'avons pas encore relevés dans le Zohar, ou d'autres qui offrent selon nous de nouvelles perspectives ou éclairages sur les aspects que nous sommes en train d'étudier. Cet opuscule ô combien cryptique, compliqué à déchiffrer par la seule application de la logique rationaliste, réussit à synthétiser en cinq chapitres l'essence de l'enseignement cosmogonique de la Cabale, mettant l'accent sur une symbolique anthropomorphique de la déité (il contient de fréquentes allusions à la tête, aux yeux, au front, au nez, aux joues, à la bouche, à la chevelure, à la barbe, au cour, etc.) qui en appelle constamment à une réalité autre, supra-naturelle ou supra-humaine, transcendant tout ce qui est limité, mais immanente dans toutes ses productions. Voici un extrait qui l'illustre, correspondant au chapitre 2 :
La construction émanant du Saint, béni soit-il, se présente dans ce livre telle quelle, sans maquillage ni diminution, comme une grande guerre entre les indéfinies puissances ou forces universelles, qui s'affrontent à tout instant, luttent, vainquant les unes et les autres vaincues ; elles s'harmonisent, s'ajustent, attaquent et se défendent. Une tension qui est en réalité la conjugaison de deux polarités qui s'équilibrent dans toutes les sphères, mondes ou plans par l'intermédiation de l'énergie de l'Amour, laquelle maintient l'Univers dans une forte cohésion. La Tradition juive a toujours vu la guerre comme une symbolique sacrée, et le cabaliste la reconnaît tout spécialement comme l'une des formes d'expression du convulsif déploiement du Cosmos et c'est simultanément qu'il en fait l'expérience dans son parcours initiatique, car il sait que la conquête de l'état de conscience de l'unité n'est pas la tiède et insipide traversée de mondes idylliques et sans conflit, édulcorés ou aromatisés d'illusion et d'évanescence, mais un combat engagé contre les cohortes apparemment opposées qui, grâce à de formidables travaux d'alchimie spirituelle sont équilibrées, transmuées et transcendées. Le fragment suivant, du chapitre 5 du Sifra di-Tzeniutha donne une notion de cette bataille livrée à chaque instant, dont le seul à sortir vainqueur sera celui qui parviendra à s'identifier –puis ne faire qu'un–avec l'Un :
D'autre part, un thème fondamental déjà esquissé par Azriel et qui apparaît à plusieurs reprises dans le Zohar est celui des droite et gauche divines, qui, dans une lecture exotérique, sont assimilées au bien et au mal en permanent conflit, mais sont en réalité une autre façon d'exprimer la polarisation de la déité. Nous avons vu que cette séparation est parfois révélée comme haut et bas (hiérarchiquement supérieur), et aussi comme dextre et senestre, où la droite a de même la prééminence sur la gauche. Le Sifra déclare au chapitre 5 :
Et à un autre moment, au chapitre 4, il est dit :
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(suite et fin) |
NOTES | |
136 | Parmi
eux, remarquons les frères Yitshac et Jacob Ha-Koen de Soria (milieu
du XIIIe siècle), Todros ben Yosef
Aboulafia de Tolède (1220-1298), Isaac ben Latif de Tolède (1230-1270),
Yehudah ben Selomoh ha-Koen ibn Matqah, de Tolède également, Moshe
ben Selomon ben Sim’on de Burgos (1230-1300), Isaac ibn Abi Sahula
de Guadalajara (1244 -?) et son frère, Me’ir ben Selomoh Abi Sahula,
ainsi que Bahia ben Asher de Saragosse et les Andalous Abraham ben
Isaac de Grenada et David ha-Levi de Séville, parmi bien d’autres.
Le Diccionario de autores judíos (Sefarad. Xe-XVe siècles) et
le livre de Charles Mopsik Cabale et Cabalistes (p. 52 à 65)
donnent des informations biographiques sur eux ainsi que sur d’autres
cabalistes de l’époque et une relation de leurs écrits les plus importants. |
137 | Voir Le
Zohar. Genèse. Tome III. Verdier, Lagrasse, 1991. |
138 | La
référence du livre est : Zohar. El libro del Esplendor.
Dirección de Difusión Cultural. Colección de Cultura Universitaria.
México, D.F., 1984. Si ce grand érudit évoque dans son introduction
une série de raisons et d’intentions quelque peu superficielles par
rapport au choix des extraits organisés, il est certain que sa sélection
non seulement ne nous semble pas arbitraire, mais nous y découvrons
un enchaînement subtil d’enseignements métaphysiques et cosmogoniques,
soulignant de plus la haute fonction de la Torah et le rôle protagoniste
de l’être humain et de l’âme dans le parcours initiatique. |
139 | Néanmoins,
dans un fragment d’une autre œuvre de Moïse de Léon (Mishkan ha-édout)
qu’il a écrite en 1293, le cabaliste exprime clairement ses intentions : « Une
génération meurt et une autre génération lui succède, mais les erreurs
et la fausseté perdurent. Et personne ne voit ni n’entend, personne
ne s’éveille, car ils sont tous endormis ; un sommeil profond
envoyé par Dieu est tombé sur eux, et les empêche de questionner, de
lire et de chercher. Et lorsque je vis tout ceci je me sentis obligé d’écrire
sur ces mystères, de les occulter et de méditer dessus afin de les
révéler à tous les hommes qui pensent et pour transmettre toutes ces
choses auxquelles les sages du passé ont consacré leur vie. Car ces
choses sont dispersées dans le Talmud, dans les paroles des (autres)
sages et dans leurs formules secrètes, précieuses et mieux cachées
que les perles. Et eux (les sages) ont fermé la porte à clef sur les
mots et ont caché tous leurs livres mystiques car ils ont vu que le
temps n’était pas venu de les révéler ni de les publier. Comme le dit
le roi sage : ‘Ne parle pas à l’oreille du sot’. Même ainsi,
je suis parvenu à reconnaître qu’il serait méritoire de mettre en lumière
ce qui était dans l’ombre et de révéler les secrets qu’ils ont occultés ».
(cité par Scholem dans Les Grandes Tendances de la Mystique Juive, édition Las
grandes tendencias de la mística judía. Fondo de Cultura Económica,
México, 1996). |
140 | « Ses
descriptions des montagnes de Palestine, par exemple, sont très romantiques
et concordent beaucoup plus avec la réalité de Castille qu’avec celle
de Galilée » (Scholem. Las grandes tendencias de la mística
judía. Eds. Siruela, Madrid, 1996). |
141 | Le
canon hébreu compte 24 livres partagés en trois groupes : Pentateuque,
Prophètes, Hagiographes. |
142 | Il
est intéressant de souligner que ce corpus a reçu d’autres dénominations,
comme il est expliqué dans l’Encyclopaedia Judaica : « Dans
certaines parties du livre l’on mentionne le nom ‘Zohar’ comme
titre de l’œuvre. Il est également cité par les cabalistes espagnols
sous d’autres noms, comme celui de Mekhilta de R. Simeon b. Yohaï (imitant
le titre d’un des Midrashim halachiques) dans le Sefer ha-Gevul de
David b. Judah he-Hasid ; celui de Midrash de R. Simeon b.
Yohaï, dans plusieurs livres datant de la période des élèves
de Salomon b. Abraham Adret (le Livnat ha-Sappir de Joseph
Angelino, les homélies de Joshua ibn Shu’ayb et les ouvrages de Meir ibn Gabbaï) ;
comme Midrash ha-Zohar, selon Isaac b. Joseph ibn Munir (voir He-Halutz, 4
(1859), 85) ; ou bien Midrash Yehi Or dans le Menorat
ha-Ma’or d’Israël al-Nakawa, semble-t-il parce qu’il possédait
un manuscrit du Zohar qui commençait par un commentaire sur
le verset ‘Que la Lumière soit’ (Gen. 1, 3). Différentes affirmations
issues du Zohar furent citées durant la première génération
suivant sa parution, sous le titre générique de Yerushalmi,
dans les écrits de, par exemple, Isaac b. Sahula, Moïse de Léon et
David b. Judah he-Hasid, et dans la responsa (fictive) de Rav
Hai dans la collection Sha’arei Teshuvah ». Entrée : « Zohar »,
introduction. Gershom Scholem. Encyclopaedia Judaica. Édition
CD-ROM. Keter Publishing House Ltd., Jérusalem, 1997. |
143 | Le
Zohar, Verdier, éditions de 1981,1984, et deux volumes de 1991.
Il s’agit de quatre tomes offrant la traduction de toutes les sections
qui commentent le premier livre du Pentateuque, c’est-à-dire celui
de la Genèse. Ces quatre volumes contiennent : Préliminaires,
Beréchit, Noah, Lech Lecha, Vayera, Hayé Sarah, Toldot, Vayetsé,
Vayichlah, Vayéchev, Miqets, Vayigach et Vayehi, ainsi que l’incorporation
de quelques-uns des autres textes apocryphes mentionnés, comme
le Tiquné ha-Zohar et
le Traité des Palais. En outre, Verdier a publié également,
en volumes à part, quelques-uns des autres livres bibliques ajoutés
au corpus du Pentateuque, à savoir : Le Zohar : Livre
de Ruth ; Le Zohar : Cantique des Cantiques et Le
Zohar : Lamentations. |
144 | El
Zohar, Editorial Sigal, Buenos Aires, 1976. Cette soigneuse version
castillane du Zohar contient en cinq volumes toutes les
sections des cinq livres du Pentateuque, mais n’y incorpore ni les autres
livres bibliques mentionnés dans la note précédente, ni les textes
joints du Tiquné et du Traité des Palais. De plus,
selon les chercheurs contemporains, il faut tenir compte du fait
que font partie de l’ensemble des textes ajoutés au corps du Zohar l’Idra Rabba et
l’Idra Zutta ainsi que le remarquable écrit intitulé Sifra di Tzeniuta (avec
une version en français de P. Vulliaud et une version anglaise de
MacGregor Mathers). Il faut également inclure dans le Corpus Zoharique le Parashat
Pinjas, dont la référence dans la version castillane de Manuel
Núñez Nava est : Sefer ha-Zohar, Parashát Pínjas,
tomes I, II, III. Centro de Investigación de la
Cábala. Jerusalem-New York, 1986. |
145 | Écrivain
argentin, spécialiste
et divulgateur de la culture hébraïque. |
146 | Un
court fragment extrait du Zohar, livre de la Genèse,
section Noah, de la traduction de Verdier
reflète ainsi ce qu’exprime Dujovne : « Tout ce qui est effectif dans
lEn-bas éveille aussi lamour dans lEn-haut. Soit deux
flammes: quand la lumière de celle qui est en haut séteint,
la fumée qui sélève de la flamme qui est en bas rallume.
Rabbi Ezéchias dit: Cest bien vrai, le monde de lEn-haut dépend
de celui de lEn-bas, le monde de lEn-bas de celui de lEn-haut ».
(Tome I) |
147 | Un
passage du Zohar dit : « Malheureux les pécheurs qui
regardent la Torah comme de simples contes sur les choses du monde,
et n’en voient ainsi que les vêtures externes. Mais les justes, dont
le regard pénètre jusqu’à la Torah même, bienheureux soient-ils. Et
tel le vin qui doit se conserver dans une outre, ainsi la Torah doit être
contenue dans une vêture extérieure. La vêture est faite des contes
et histoires ; mais nous, nous devons pénétrer
au-delà ». (Scholem. Zohar. Le Livre de la Splendeur…) |
148 | Cette
Utopie ou sphère invisible mais réelle, symbole de la conscience de
l’Être Universel, a été connue un peu partout sous différents noms,
comme le Collège invisible, l’Église Secrète, l’Olympe invisible ou,
on ne peut mieux dire, la République des Lettres, etc. et y « habiter » a été l’aspiration
de toute âme
sollicitée par l’appel de l’Origine. |
149 | Dans
un autre livre de sa main, Moïse de Léon exprime de cette façon la
détermination du Principe : « De là émergea
le Point mystérieux, tête de tous les degrés et
de tous les autres Miroirs, commencement de toute l’existence.
Car la Couronne suprême, que son nom soit béni, n’est
pas un commencement . Nous avons déjà indiqué au
début qu’il existe dix paroles. Et nos maîtres,
que leur mémoire soit une bénédiction, ont dit
: “Or il y en a neuf !”, à savoir: la Couronne suprême,
mystérieuse et cachée, ne fait pas partie du compte et
n’entre pas dans leur ensemble. Ils sont revenus à la
charge et ont déclaré: « “Au commencement” (beréchit)
est aussi une parole », autrement dit: on l’appelle “parole”.
Et si tu as des yeux pour voir tu pourras fouiller et creuser ce sujet,
et faire un mouvement de l’intellect aussi rapide <qu’un
lézard> en direction du secret de l’ardeur de ce degré et
[chercher] quel est le sujet auquel [nos maîtres] ont fait allusion. » (Moisés
de León. Le Sicle du Sanctuaire. Chéquel ha Qodech. Verdier,
Lagrasse, 1996). |
150 | « L’intelligence (bina) est
une chose qui survient par une contemplation détachée
de toute occupation autre », et plus loin (fol. 364b- 365a): « La
pensée n’est vraiment digne de ce nom que si l’esprit
est limpide et pur, débarrassé (barour) de tout
déchet (pessolet) et de toute préoccupation corporelle,
[...] car par la mise à l’écart de tous les déchets
[de l’esprit] et par son nettoyage et sa purification, la pensée
n’est associée à rien de corporel et demeure pure
et subtile, d’une limpidité d’éveil, elle
est digne alors du nom de pensée [...]. Lorsque l’homme
commence à s’occuper de questions touchant l’intelligence,
et qu’il recherche et réfléchit à son objet,
ce qui émerge de la mise à l’écart de tout
ce déchet est la sagesse [...]; la sagesse débarrassée (ha-mitbarer) des
déchets (pessolot) c’est la sagesse par laquelle
l’homme s’élève. » (Verdier, tome
III correspondant au livre de
Moïse de Léon : Traité sans Titre). |
151 | Moïse
de Léon dit à propos de
la relation entre l’Intelligence et la Rigueur : « Puissance
(Guevourah). Elle est appelée du nom de Puissance et de force de
l’énergie du jugement et de son ardeur. Tel un héros prêt à partir
en guerre, ainsi est ce lieu, qui est le lieu du jugement, de son énergie,
et de son ardeur à brandir l’instrument de Sa colère. Et
c’est la dimension de la Gauche appelée Gauche du Lieu, béni
soit-il. Et comprends que bien qu’elle soit jugement et lieu de jugement,
elle éveille sans cesse l’amour envers la Femelle, comme il est
dit: “Sa gauche est sous ma tête” (Cant. 2:6). » (Moïse
de Léon, Le Sicle du Sanctuaire,
ouvrage cité). |
152 | Nous
ne pouvons pas ne pas voir la correspondance entre ce symbolisme
constructif qui attribue les nombres de 3, 4 et 7 aux colonnes qui
soutiennent
le cosmos et le symbole de la pierre cubique en pointe de la Maçonnerie,
ainsi que l’analogue alchimique de la pierre philosophale qui invoque
les trois principes : soufre, mercure et sel et les quatre éléments :
feu, air, eau, terre ; rien que des symboliques qui révèlent l’ordre
cosmogonique et le processus inverse de
réalisation spirituelle de l’initié. |
153 | Cette
notion est connue en hébreu sous le nom d’Arik Anpin, identique
au terme grec Macroprosope, et signifie « Grand Visage » ;
elle est en correspondance avec
le monde d’Atsiluth, la Création incréée ou l’Ontologie. |
154 | Zeir
Anpin ou Microprosope, c’est-à-dire « Petit Visage »,
qui englobe les mondes de Beriyah, Yetsirah et Asiyah qui,
comme nous le savons, correspondent respectivement aux mondes de
la Création,
des Formations subtiles et de la Concrétion matérielle. |
155 | El
Zohar (Sélection). Traduction de Carles Giol. Ed. Obelisco,
Barcelone, 1996. |
156 | Nous
utiliserons la traduction de Paul Vulliaud, auteur d’un livre en
deux tomes intitulé La Kabbale Juive, conjointement avec celle de
MacGregor Mathers, The Kabbalah Unveiled.
Weiser, N.Y., 1993. |
157 | Version
de MacGregor Mathers. The Kabbalah Unveiled. Samuel Weiser,
Inc., York Beach, Maine,
1993. |