Moshe ben Ja’acob Cordovero
Les commentateurs sont d’accord sur le fait que le rabbin Alkabetz et Joseph Caro soient les fondateurs du mouvement cabaliste de Safed basé sur le Zohar, suite au départ en exil des sages juifs séfarades. D’autres sont cependant mentionnés, antérieurs et postérieurs ; Cordovéro, qui fut un érudit fondamental de cette école –et celui ayant laissé derrière lui l’œuvre la plus abondante–, est la figure centrale de ce chapitre où nous traiterons également d’Isaac Louria et d’Hayyim Vital qui ont eu une grande influence sur la Cabale Ashkénazi et sur la cabale chrétienne de la Renaissance.
Le traducteur en français du traité La Douce Lumière (‘Or Né’érab) de Cordovéro, Schmouel Ouziel, expose dans son introduction, parlant de la ville de Safed en Galilée:
A la différence de Jérusalem, qui avait une très grande importance aux yeux des musulmans, Safed a bénéficié du peu d’intérêt qu’ils lui portaient, et sa communauté n’a pas eu à souffrir de la haine religieuse qui était le lot des habitants de la ville sainte. Cette coexistence tranquille attire les juifs, exilés d’Espagne et d’ailleurs, en quête d’une vie religieuse intense et d’une situation économique confortable. Leur arrivée massive provoque une transformation profonde et rapide de la communauté locale.
Jusqu’en 1492, l’essentiel de la population juive était formée de Nord-Africains187 ou de musta‘arabim188, c’est-à-dire de juifs demeurés en Palestine depuis toujours, et très influencés par la culture arabe, surtout sur le plan linguistique; quant aux Espagnols, ils ne représentaient qu’une très petite minorité. En 1516, la conquête turque entraîne pour les juifs un tournant favorable. De religion sunnite189, les Turcs sont relativement tolérants et leur répression du banditisme bédouin rétablit dans la région un climat de sécurité. Débute alors une grande vague d’immigration. Anciens et nouveaux arrivants s’organisent séparément selon leur pays d’origine190, chaque groupe possédant sa synagogue et ses dirigeants. C’est ainsi que se multiplient yeshibot, écoles et associations d’entraide et de bienfaisance. De leur côté, les juifs autochtones refusent d’abord de se lier aux nouveaux venus, suspects à leurs yeux d’avoir pratiqué le culte chrétien en Espagne. Mais avec le renforcement de l’immigration, ils se laissent progressivement influencer et adoptent même certaines coutumes espagnoles. Le mouvement se poursuit: en 1521, Espagnols et Portugais représentent déjà un quart de la population juive191; en 1570 ils en constituent l’écrasante majorité192. Dès lors, les musta‘arabim cessent d’avoir une quelconque influence sur la vie religieuse à Safed et, de ce fait, finissent par occuper le plus bas degré de l’échelle sociale : rassemblés autour d’une unique synagogue, ils continuent de pratiquer leurs coutumes et d’étudier en arabe.
Safed se signale donc par un enchevêtrement de communautés différentes: aux autochtones et aux Espagnols eux-mêmes divisés en Castillans, Cordouans, Catalans, s’ajoutent les juifs italiens, hongrois et portugais.
Il poursuit un peu plus loin son exposé coloré:
Comme nous l’avons dit précédemment, la ville de Safed193 s’est complètement transformée en moins de 80 ans. En 1522 il y avait à Safed 3 synagogues et 1 yeshibat alors qu’en 1602 on y trouve 21 synagogues, 18 yeshibot et une école de 400 élèves194!
Pour avoir une idée de l’ampleur de la vie juive à Safed durant ce siècle, il suffit de passer en revue les personnalités les plus prestigieuses de l’époque.
La plus importante est bien évidemment R. Yossef Karo (1488-1575). Né en 1488 à Tolède, il quitte l’Espagne pour le Portugal en 1492. En 1497, à la suite de la politique de conversions forcées qui y est instaurée, il erre à nouveau avec toute sa famille jusqu’en Turquie. Il y rencontre différents sages et notamment R. Yossef Taytazack, qui aura sur lui une très grande influence. C’est vers 1510 qu’il commence à rédiger son Beyt-Yossef. En 1522, alors qu’il est à Nicopolis, le jour de Shavu‘ot, son Maggid195, voix d’un ange et personnification de la Mishnah qu’il étudie, lui donne ordre de quitter la Turquie pour la terre sainte196. Il part donc pour Andrinople où il s’attarde près de 14 ans. En 1523, quand commence l’épopée de R. S. Molkho qui s’achèvera tragiquement en 1532, R. Y. Karo, dans son journal mystique le Maggid Mésharim, sollicite souvent le droit d’être martyrisé pour l’honneur du nom de Dieu, comme le faux messie. Son Maggid lui annonce plusieurs fois que sa prière a été entendue et qu’il aura droit à une fin équivalente à celle de Molkho197. En 1536 il part enfin pour la Palestine et s’installe à Safed. A cette époque on y trouve déjà 1000 familles d’expulsés qui ont imposé la langue espagnole dans les écoles. Il est du nombre des sages qui sont intronisés par R. Y. Berab, et en 1542, après 32 ans de travail, il termine la rédaction du Beyt-Yossef198. Du fait de sa célébrité et de son talent, il demande au reste des sages de son époque de canoniser son livre199. En fait, ce sera son Shoulhan ‘Aroukh, après que R. Moïse ’Isserlis y ajoute ses notes sur les usages des juifs ashkénazes, qui deviendra effectivement le livre de référence de la vie juive. Ce dernier paraît en 1565, la même année que son journal mystique, Maggid Mésharim.
Outre ses occupations exotériques, nous avons vu que R. Y. Karo s’adonne aussi à la mystique, son Maggid Mésharim en est la preuve indéniable. Mais par ailleurs, le Maggid de R. Y. Karo lui impose aussi de nombreuses pratiques ascétiques et lui recommande de s’éloigner de l’orgueil et de la colère, des paroles vaines et du rire200. Il lui demande aussi d’étudier les écrits de morale comme Les Devoirs des coeurs de Bahya et naturellement la kabbale.
Dans l’article sur M. Cordovéro (1522-1570) du Dictionary of Jewish Lore and Legend, l’on peut lire ces informations201:
Cabaliste originaire d’Espagne s’étant établi à Safed, au nord de la Palestine. Auteur prolifique, il réalisa dans son œuvre principale, le Pardès Rimonim (‘Le Jardin des Grenades’), la synthèse des doctrines cabalistiques de ses prédécesseurs dont il tenta d’harmoniser les théories. Il est également l’auteur d’un autre ouvrage où il consigna sa pratique de l’« exil » qui lui permettait de s’« exiler » sur les tombes des justes, dans toute la Galilée, et assumer un « exil » en l’honneur de la chekhinah, l’aspect féminin du divin, qui se trouve expatriée loin de l’aspect masculin de Dieu. Pour lui, la réalité est une manifestation du divin immanent dans le Monde Inférieur. Bien qu’ayant appris d’Élie, qui le visitait, les secrets de la mystique, ses enseignements cabalistiques furent éclipsés par la cabale mystique d’Isaac Louria qu’il avait eu brièvement pour élève à Safed.
Le thème de l’exil du peuple d’Israël, sujet d’actualité à différentes époques historiques, prend ici un nouveau visage dans l’exil d’Espagne ; mais c’est là néanmoins une image de l’exil de l’être humain éloigné du sein de Dieu qui oblige l’homme d’après la chute à peiner sur la terre ; cela a lieu dans l’âme de l’être humain et l’exil en est donc d’autant plus grand, avec son cortège de problèmes et d’adversité, car ce n’est plus seulement un pèlerinage dans ce monde mais le pèlerinage de l’âme en quête de l’esprit, c’est-à-dire de son Identité Première. L’histoire du peuple d’Israël est également une image de la quête humaine du Soi.
Cela préfigure la Tsim-Tsoum, puisque le cabaliste, se concentrant sur un point, sur sa solitude et son néant, répète ainsi rituellement, vitalement, l’action cosmogonique primordiale par laquelle le Non-Être se restreint en un point obscur, la Possibilité Universelle, à partir de laquelle se génère un Monde Nouveau qui s’éclaire doucement et émane du Fiat Lux, ou la plénitude du manifesté.
Charles Mopsik signale pour sa part, dans l’introduction de sa traduction du Palmier de Déborah202:
Moïse Cordovéro fit d’abord des études talmudiques et il eut dans le domaine de la halakha (réglementation) un maître prestigieux, Rabbi Joseph Caro (1488-1575), auteur d’un vaste commentaire appelé Beit Yossef sur le Arbaa Tourim, d’une explicitation méthodique du Michné Torah de Maïmonide, intitulée Kessef Michné et de la plus célèbre compilation de règles, le Choulhan Aroukh, qui est encore aujourd’hui la plus grande autorité en matière de jurisprudence, à laquelle constamment l’on se réfère. Dans une de ses responsa, rabbi Joseph Caro manifeste l’estime qu’il portait à son brillant élève à l’occasion d’une décision juridique de ce dernier qu’il approuve: « Ce cas, écrit-il, ne réclame aucune délibération supplémentaire, le juge a pénétré au coeur du sujet. Puisse tant de bonnes choses être répétées en son nom, que pour lui s’accomplisse le verset: “Si ton coeur est sage, mon coeur à moi se réjouira” (Pro. 23:15)203. »
Moïse Cordovéro était juge à Safed et il y dirigeait une yéchiva, comme en témoigne Rabbi Menahem Azaria de Fano (1548-1620): « C’était un grand érudit en matière de guemara, il passait tous ses jours dans la yéchiva pour affûter les étudiants, ces plants d’olivier ; il avait aussi un magistère fixe et exerçait la justice entre l’homme, son frère et son voisin204. »
C’est certainement la rencontre de celui qui allait devenir son maître en matière de cabale et son beau-frère (le frère de sa future épouse) qui détermina Cordovéro à s’engager totalement dans l’étude du Zohar et de l’ensemble de la cabale. Rabbi Salomon Alcabets Halévi (décédé vers 1580), cabaliste et poète (il est l’auteur du fameux hymne pour l’entrée du Sabbat intitulé Lekha Dodi « Vient mon bien-aimé pour accueillir la fiancée ») initia Cordovéro, qui avait vingt ans, à la tradition des secrets de la Torah. Dans l’introduction de son ouvrage encyclopédique, le Pardés Rimonim, qu’il termina quand’il atteignit l’âge de 27 ans...
L’on dit que de nombreux juifs s’installèrent à Safed par intérêt pour ses écoles, dont l’école cabalistique menée par Cordovéro. Parmi les voyageurs, divers rabbins italiens et plusieurs autres de la même zone ; le principal était Isaac Louria qui arriva par l’Égypte et qui durant deux ans rencontra plusieurs fois Cordovéro, tout en n’ayant jamais cessé de le réclamer pour maître.
Selon nous, ce fut le travail de systématisation de Cordovéro qui conduisit ces élèves à Safed, joint à l’intérêt envers un juge versé non seulement en aspects légaux mais aussi en thèmes religieux et talmudiques, et qui, à l’âge de vingt-sept ans, avait non seulement achevé le Pardès Rimonim, mais également consacré sa vie à l’étude de la Torah et à la Cabale, malgré son prestige exotérique. Nous pensons d’ailleurs que sa formation juridique a beaucoup à voir avec le texte de son premier livre et que sa méthode, son mode de systématisation, sont absolument « universitaires » au sens que l’on pourrait leur appliquer de nos jours, car la division en articles et sous-titres, avec l’ajout dans l’exposé de premier, second, troisième, etc., ainsi que les subdivisions qui sont également numérotées, n’appartiennent pas à la littérature sacrée étudiée jusqu’ici, mais sont de sa création, peut-être plus adaptée à un étudiant actuel que ne pourraient l’être les différents chapitres du Zohar ou autres productions cabalistiques.
Le Pardès Rimonim (« Le Jardin des Grenades ») est, selon Mopsik, une somme:
Qui aborde l’ensemble des grandes questions de la cabale, représente l’effort le plus soutenu et le plus systématique pour mettre en ordre les thématiques et les enjeux du Zohar, du Tiqouné ha Zohar, dont il cite et analyse plus de quatre cents passages, ainsi que de l’ensemble de la littérature de la cabale, depuis les écrits du Languedoc et des cercles géronais et castillans, jusqu'aux développements de ses contemporains de Safed. C’est aussi une grande introduction à la sagesse des cabalistes qui reprend et traite ses discussions et ses divergences internes dans un esprit pénétrant et rigoureux. Il comprend 32 portiques qui, chacun, se subdivisent en un nombre variable de chapitres. Ses 19 premiers portiques traitent des diverses questions relatives à la divinité: de la relation entre En-Sof (l’Infini) et la première sefira, du processus de l’Émanation et de la structure des sefirot, enfin des mondes extérieurs à l’Émanation. Les portiques 20 à 23 expliquent le vocabulaire de la cabale, les relations entre les termes de la Bible ou du Midrach et les Sefirot. Composé par ordre alphabétique, c’est un véritable lexique des notions et des termes spécifiques. Les portiques 25 à 26 discutent des forces de l’impureté et de
« l’autre côté ». Les quatre suivants exposent les significations des lettres, des voyelles, de l'ancienne notation musicale, le livre est conclu par 2 portiques consacrés à la doctrine de l’âme et à l’intention (cavana) dans les prières.
Comme nous pouvons l’observer, divers spécialistes juifs nous offrent un panorama clair de Safed et un profil assez lumineux de la figure de Cordovéro, analogue à celle des cabalistes séfarades et provençaux. De fait, son œuvre et ses enseignements sont plus spécialement fondés sur le Tikunim Zohar, qui est cependant considéré comme un agrégat postérieur au corps de ce livre, et qu’il cite abondamment dans le Pardès Rimonim et beaucoup de ses écrits, dont l’Or Yakar, La Lumière Précieuse, qui a cessé depuis peu de n’être qu’un manuscrit puisqu’il a été tout récemment imprimé en hébreu205. Pour terminer, nous relèverons quelques extraits de cette œuvre qui nous ont parus significatifs, dont le premier, très graphique, se réfère au sens littéral de la lecture de la Torah, avant de passer au commentaire de La Douce Lumière et du Palmier de Deborah:
Une personne pauvre pense que Dieu est un aïeul blanc de poil, assis sur un merveilleux trône de feu étincelant de flammes innombrables, comme le dit la Bible:
« L’Ancien des Jours est assis, les cheveux de sa tête comme une toison limpide, son trône, de flammes de feu. »
Imaginant cela et des fantaisies similaires, le sot donne un corps à Dieu. Le sot tombe dans l’un des pièges qui détruisent la foi. Sa crainte révérencielle envers Dieu est limitée par son imagination206.
Mais si toi tu es éclairé, tu connais l’Unité de Dieu; toi tu sais que le divin est vide de catégories corporelles –Mais si toi tu es éclairé, tu connais l’Unité de Dieu; toi tu sais que le divin est vide de catégories corporelles –elles ne peuvent jamais s’appliquer à Dieu. Alors, te demandes-tu, étonné: Qui suis-je? Serai-je une graine de moutarde au milieu de la sphère de la lune, qui est elle-même une graine de moutarde dans la sphère suivante. Ainsi en est-il dans cette sphère, et tout ce qu’elle contient par rapport à la sphère suivante. Et ainsi en est-il avec toutes les sphères –l’une dans l’autre– et toutes sont une graine au sein d’autres espaces.
Ta crainte révérencielle est fortifiée, l’amour se répand dans ton âme.
Et, à propos de l’ascension de l’âme (ou du niveau de conscience) du cabaliste, Cordovéro observe:
Lorsqu’un initié effectue un vol par l’esprit, il constate que c’est une chose inestimable. Les couleurs qui sont visibles à l’oeil ou qui sont représentées par l’esprit peuvent avoir un effet sur le spirituel, bien que les couleurs en elles-mêmes soient physiques. Nefesh (l’âme inférieure) peut inciter Ruah (l’esprit intermédiaire) et Ruah incite à son tour Neshamah (l’âme supérieure). Neshamah s’élève alors d’une essence à la suivante, jusqu’à atteindre sa source.
Et cet autre extrait, où il exprime de façon extrêmement claire le thème de l’Unité dans la multiplicité:
Dans le principe, En Sof, a émané dix sefiroth, qui sont de son essence, unies à cela. Cela et elles font entièrement un. Il n’y a dans l’émanateur ni changement ni division qui puisse justifier que l’on dise qu’il est divisé en parties dans ces diverses sefiroth. La division et le changement ne sont pas de cela, mais seulement des sefiroth externes.
Pour t’aider à concevoir cela, imagine l’eau s’écoulant à travers des réceptacles de différentes couleurs : blanc, rouge, vert, et ainsi successivement. Selon que l’eau se répand dans ces récipients, elle semble devenir de la couleur du récipient, bien que l’eau soit dépourvue de toute couleur. Le changement de couleur n’affecte pas l’eau en soi, seule notre perception de l’eau change. Et il en est ainsi avec les sefiroth. Elles sont les récipients, connus par exemple comme Hesed, Gueburah et Tifereth, chacun coloré selon sa fonction, blanc, rouge et vert, respectivement, tandis que la lumière de l’émanateur –leurs essences– est dans l’eau, sans avoir nulle couleur. Cette essence ne change pas; elle paraît seulement changer en coulant à travers les récipients.
Mieux encore, imagine un rayon de lumière du soleil qui brille à travers un vitrail de dix couleurs différentes. La lumière du soleil ne possède absolument aucune couleur, mais semble changer de nuance en passant à travers les différentes couleurs du verre. De la lumière colorée irradie à travers la fenêtre. La lumière n’a pas changé en essence, bien qu’elle semble l’avoir fait pour le spectateur. Il en est de même pour les sefiroth. La lumière qui se revêt elle-même dans le récipient des sefiroth, c’est l’essence, comme le rayon de lumière solaire. Cette essence ne possède absolument aucune couleur, ni jugement ni compassion, ni droite ni gauche. (De la traduction en anglais de Daniel Matt).207
La Douce Lumière
Le traité ‘Or Né’érab, qui fait près de deux cents pages, introduction et notes comprises, dans la traduction française de Schmouel Ouziel que nous avons déjà mentionnée, possède de nombreuses analogies de structure avec le Pardès en ce que tous deux sont d’une organisation similaire, divisée en chapitres, thèmes et sous-thèmes numérotés. D’autre part, beaucoup de ce qui y est dit insiste sur des sujets traités auparavant –bien que toujours nouveaux– avec une insistance toute particulière sur les qualités requises par l’apprenti dans l’approche des études cabalistiques dont les deux grandes prémisses pourraient être l’humilité, au sens de toujours sentir que l’on est rien, ce qui équivaut à la solitude, et le respect révérenciel pour le sacré, présent en toutes choses, ce qui évoque parfaitement la grandeur de YHVH, béni soit-il, qui est en définitive l’étude à laquelle se consacre la Cabale par le biais des différents plans cosmogoniques, également présents dans l’âme humaine, et les manières de l’enseigner à d’autres, évidemment au sein de la religion juive.
Ce texte208est cependant plein de références cosmogoniques dont nous avons choisi quelques-unes pour illustrer cet essai. Nous n’en soulignerons que quelques fragments de la sixième partie, chapitres 1, 2 et 3, afin de compléter notre vision de l’Arbre de Vie et l’image entière des sefiroth et leurs rapports mutuels:
IV. Il doit savoir que ’Eyn-Sof n’est pas Keter comme beaucoup le croient, mais ’Eyn-Sof est la cause de Keter, et Keter est l’effet du ’Eyn-Sof qui, lui, est le principe des principes. Il doit encore savoir que ’Eyn-Sof est la cause première de tous les existants, et qu’il n’y a aucune cause qui lui est supérieure, son premier effet est Keter et c’est à partir de Keter que se poursuit l’enchaînement des autres effets. Nous n’en récusons pas pour autant le fait que Keter fasse partie des dix sefirot, comme beaucoup l’on cru: il en fait bien partie mais seulement du point de vue des émanés eux-mêmes; toutefois, selon la modalité de l’ensemble de l’émanation à partir des dix [sefirot], Keter n’apparaît pas parmi les émanés du fait de sa grandeur, et ces derniers, au lieu d’être inclus en lui, sont alors inclus en Da‘at.
II-IX. La raison en est que les êtres supérieurs dépendent des êtres inférieurs et que les êtres inférieurs dépendent des supérieurs, c’est pour cela que la puissance de l’inférieur se trouve dans le supérieur, et celle du supérieur dans l’inférieur.
Par contre en ce qui concerne ’Eyn-Sof, tous dépendent de lui et lui n’a aucunement besoin d’eux.
II-XII. Il faut encore [que le débutant] sache, que les sefirot on la capacité d'accomplir des actions contradictoires, parfois avec Din et parfois avec Rahamim; mais elles sont toujours en accord entre elles sur leurs actions, car aucune d'entre elles ne peut agir l'aide des autres; l'accord de toutes étant obtenu grâce à Malkhut. Pour donner une première explication à ce sujet [nous dirons que] cela provient de ce que chacune d'elles contient les dix autres. En verité, elles peuvent se dévoiler sous une forme les incluant toutes et qui peut être...
Et sur le thème du besoin pérenne de conjuguer les opposés:
II-XVII. Par contre < l’union consiste > en un épanchement qui provient de l’union du masculin et du féminin, c’est-à-dire qui se situe en Hokhmah et en Binah qui sont le Père et la Mère supérieurs, ou bien en Tiferet et en Malkhut qui sont le Père et la Mère inférieurs, et c’est le mystère de l’union qui est à l’image de l’union du masculin et du féminin, chose que l’esprit humain est incapable de concevoir. C’est par ailleurs un sujet très important, car c’est avec cette [union] qu’on obtient l’épanchement merveilleux des êtres et des âmes. Cette union selon [la modalité de] ce qui nous en parvient peut parfois s’interrompre même lorsqu’elle se trouve au niveau des trois premières [sefirot], et c’est à nous de la parachever et d’unifier [les sefirot] comme il se doit afin qu’elle continue [de s’épancher].
III-XXII. Au sujet de l’union mentionnée ci-dessus, celui qui désire approfondir doit savoir qu’elle n’existe qu’entre Hokhmah et Binah, qui sont nommées, homme et femme, père et mère ; et de même que l’union et accouplement corporel n’existe entre le masculin et le féminin qu’à l’aide d’un intermédiaire, à savoir l’alliance de chair, de même, en haut, ces deux middot ne s’unissent que grâce au mystère de l’ancien Da‘at qui joue le rôle d’intermédiaire entre le père et la mère; quant à son essence, elle se trouve « en un sentier que les rapaces ignorent ».
III-XXIII. [On retrouve] cette union entre Tiferet et Malkhut, qui sont le masculin et le féminin, le mari et sa fiancée, le père et la mère inférieurs, fils et fille des supérieurs, le roi et la reine, le roi et sa femme, le Saint béni soit-Il et sa Présence (Shekhinah), le roi en son palais, tous [ces termes] n’étant que des paraboles pour exprimer ce sujet. Néanmoins, les âmes des justes dans le monde inférieur doivent provoquer leur éveil afin de s’accoupler.
Le Palmier de Deborah
Le Palmier de Deborah est un texte court, mais très étudié, traduit et commenté en raison de son importance et de la synthèse qu’il implique, ainsi que de son énorme pouvoir de suggestion, à la fois évocateur et poétique, qui en fait peut-être le texte cabalistique le plus publié au cours des temps.
Dans sa traduction et ses annotations du Palmier de Deborah en castillan209, Núria García i Amat déclare dans son introduction:
Dans Le Palmier de Deborah, l’opuscule que nous présentons ici, Cordovéro montrera et décrira minutieusement le parallélisme et les interactions présentes entre le monde supérieur et le monde inférieur. L’étude des Écritures informe d’un ordre primordial, perdu à cause du péché et de la désobéissance du peuple d’Israël, vers lequel il faut de nouveau converger au nom du retour à l’âge d’or. À cet aspect, il faut signaler que Cordovéro fait un usage indirect de l’une des principales formules bibliques, celle de l’image et ressemblance, qui suppose une indéfectible union entre les deux mondes. Il faut d’autre part indiquer que ce retour à l’âge d’or est en effet un retour, et en aucun cas la prétention d’atteindre une situation inexistante auparavant. L’âge d’or, dont le modèle par excellence est le monde paradisiaque, est un retour salvifique, de restauration (tiqún), avec de claires réminiscences médicales.
Il faut également avertir le lecteur que les termes prennent des significations différentes suivant les moments historiques, comme le terme sagesse, pris actuellement pour érudition ou facilité pour les langues, et celui d’intelligence pris comme une chose quantitative et donc susceptible d’être mesurée grâce à des tests déterminés.
À titre d’exemple, nous citerons ici un extrait du chapitre appelé vocabulaire210 de l’ouvrage Méditation et Cabale211:
Le mot Hitboded vient de la racine Badad, qui signifie « être reclus ». Littéralement, alors, Hitbodedut signifie auto-isolement et, dans certains cas, ne fait référence qu’à une réclusion et un isolement physiques. Néanmoins, dans beaucoup d’autres lieux, le terme est employé pour dénoter un état de conscience qui implique l’isolement du moi, c’est-à-dire l’isolement de l’essence individuelle de base.
Ainsi, dans un contexte cabalistique, le mot Hitbodedut signifie bien plus qu’un simple isolement physique. Il fait référence à un état d’isolement interne où l’individu écarte mentalement son essence de ses pensées. Rabbi Chaïm Vital (1543-1620), l’un des plus grands cabalistes, parle souvent d’une telle réclusion mentale, disant que « l’on doit s’isoler (hitboded) dans ses pensées au plus haut degré ». Ce faisant, l’on sépare l’âme du corps au point de ne plus ressentir aucune relation avec l’être physique. L’âme devient donc isolée et, comme Rabbi Chaïm Vital conclut, « plus l’on se sépare du physique, plus grande sera l’illumination ».
L’état de réclusion mentale est très important pour l’expérience prophétique. La plus claire description de cet état a été présentée par Rabbi Levi ben Gershom (1288-1344), un important philosophe juif connu généralement sous le nom de Gersonide, ou simplement par l’acronyme « Ralbag ». Il écrivit que l’obtention de la révélation prophétique « requiert d’isoler (hitbodedut) la conscience de l’imagination, ou toutes deux du reste des facultés mentales perceptives ».
Poursuivant notre discours, et pour les mêmes raisons que nous avons notées plus haut dans le cas de La Douce Lumière, nous avons sélectionné quelques citations extraites des IIe à IVe chapitre.
Du chapitre II, intitulé les Qualités de Kether, nous voudrions dès l’abord en signaler une qui est une synthèse du discours de Cordovéro:
Pour cela tout homme doit considérer qu’il n’est rien et comprendre que sa non-existence antérieure vaut mieux que sa propre existence.
Du chapitre III, Qualités d’Hokhmah:
Il fut pour cela délivré du jugement, car en lui a été déposée la lumière de la Sagesse et les souffrances lui ont été montrées.
C’est pour cela qu’il ne faut mépriser aucune des choses créées, car elles ont toutes été créées dans la Sagesse. Aucune des choses qui poussent ne doit être arrachée, à moins que cela soit nécessaire, ni l’on ne doit donner la mort à aucun être vivant, à moins que cela soit nécessaire. Et même en cas de nécessité, il faut choisir pour eux une mort digne et se servir d’un couteau qui ait été soigneusement examiné; il faut avoir pitié de toutes les choses et ne pas les blesser, car elles dépendent toutes de la Sagesse, à moins qu’il ne s’agisse de les faire monter à un niveau plus élevé, de végétal à animal, et d’animal à humain; dans ce cas, il est permis de déraciner la plante et de tuer la bête, afin d’extraire le méritoire du démérite.
Tu dois savoir que la sagesse a deux visages. La face supérieure est tournée vers la Couronne, bien qu’elle ne la regarde pas fixement, mais montre sa figure inclinée recevant l’influx de la Couronne venu d’en haut. Le second visage, plus bas, tourne son visage vers le bas afin de contrôler les sefiroth, qui reçoivent l’émanation de Sa Sagesse. C’est pour cette raison que l’homme doit montrer deux visages: l’un, dans la solitude avec son Créateur, afin d’augmenter la sagesse que le Saint, béni soit-il, a versé en lui. Ce flux de Sagesse est versé dans chaque sefirah selon sa juste mesure, ce qui fait que, forcément, la sagesse soit versée en chaque homme selon les dimensions de son entendement, essayant de ne pas verser plus de sagesse que l’entendement de celui qui reçoit n’est capable de recevoir afin d’éviter tout mal, car la sefirah la plus élevée n’ajoute rien à la quantité déterminée par les limites du destinataire.
Du chapitre V. Qualités de Hesed
Lorsque nous disons: « Et il apporte devant nous la justice comme une lumière, Ô Dieu Saint! », nous voulons dire que cette Beauté, qui est égale à la Justice, doit émerger vers la lumière, qui est du côté Droit, et alors elle sera sainte et se trouvera éloignée des Pouvoirs.
Tous les actes de pacification du monde inférieur sont semblables aux actes de bienveillance des mondes supérieurs.
Du chapitre VI. Qualités de Gueburah
Au contraire, l’homme doit rediriger doucement le mauvais penchant de son épouse afin de l’orienter vers les pouvoirs de la douceur, en la pourvoyant, par exemple, de linge et d’une demeure. Et il doit dire: « En la pourvoyant de linge, j’orne la Shekinah », car la Shekinah est ornée de l’Intelligence, qui est le Pouvoir où sont compris tous les Pouvoirs adoucis par les divers degrés de miséricorde. Ainsi tous les besoins de la maison sont couverts au moyen des Tiqunim de la Shekinah, de manière que la Shekinah est adoucie par le mauvais penchant, qui fut créé par la volonté du Créateur sans autre but que celui-ci.
Du chapitre VII. Qualités de Tifereth
Comment un homme doit-il être éduqué pour obtenir l’attribut de la Beauté? Sans aucun doute, la qualité de la Beauté se trouve dans l’étude de la Torah. Cependant, l’homme doit essayer de ne pas s’abandonner à l’orgueil à cause des paroles de la Torah, car cela causerait grand mal. À mesure qu’augmente son orgueil, l’attribut de la Beauté, qui est la Torah, s’élève et s’éloigne dans les hauteurs, que Dieu ne le permette pas. Mais celui qui s’humilie aux paroles de la Torah fait descendre la Beauté pour qu’elle déverse son influence sur ce qui est au-dessous d’elle.
Et cet autre, du chapitre VIII. Qualités de Netsah, Hod et Yesod
D’autre part, quiconque étudie la Torah doit être prêt à apprendre de tous les hommes, comme il est écrit: « J’ai appris de quiconque m’a enseigné ». La Torah ne peut pas être étudiée convenablement à partir d’un seul maître. Par conséquent, tout disciple doit atteindre le mérite suffisant afin de parvenir à être un char pour la Patience et la Majesté, car c’est avec cela que son enseignement est celui du Seigneur, et celui qui enseigne la Torah atteint le grade de la Beauté.
Ainsi, lorsqu’il s’assoit pour étudier, il permet que la Beauté coule sur la Patience et la Majesté, et c’est alors qu’il se trouve réellement au grade qui lui correspond.
Des Qualités de Malkhuth , chapitre IX
D’après cela, l’homme se trouve entre deux femmes, la femme physique d’en bas, qui reçoit de lui nourriture, vêtements et droits conjugaux, et la Shekinah supérieure, qu’il bénit en donnant ce qui lui revient à la femme qu’il a choisie. D’après cela, la Beauté se trouve entre les deux femmes: la Très-Haute Mère, qui déverse autour d’elle tout ce dont on a besoin, et la Mère inférieure, qui en reçoit la nourriture, les vêtements et droits conjugaux, qui sont, comme on le sait, la clémence, la justice et la piété, ce pourquoi la Shekinah ne s’unira à l’homme que suivant le modèle de la Réalité Suprême. L’homme ne peut se séparer de son épouse que pour trois raisons: en premier lieu, lorsqu’elle se trouve dans ses périodes de séparation, en second lieu pendant les jours de la semaine où il étudie la Torah et, en troisième lieu, lorsqu’il s’absente de son foyer et se préserve du péché.
Durant ces périodes de séparation, la Shekinah s’unit à lui, le circonscrit et ne s’en éloigne pas, afin qu’il ne soit ni désemparé ni séparé, et pour qu’il soit toujours comme doit être l’homme parfait, mâle et femelle, de manière que, une fois la Shekinah unie à lui, et tant que durera le temps de la séparation, l’homme doit faire en sorte qu’elle ne s’éloigne pas de lui. Il doit se montrer travailleur et utile, réciter la prière du voyageur et jeûner pour la Torah, car c’est en vertu de cela que la Shekinah, qui veille sur son chemin, intercèdera pour lui à tout moment, à condition qu’il s’efforce de ne pas pécher et d’étudier la Torah. De la même façon, lorsque son épouse se trouve en période de séparation, la Shekinah sera avec lui s’il respecte de manière appropriée les lois de la séparation.
En ce qui concerne l’école de Safed, dont Moïse Cordovéro était la figure centrale, Charles Mopsik212 nous en fait une synthèse claire, englobant celui qui fut probablement l’épilogue de cette école, Isaac Louria, dont l’influence sur la Cabale qui est parvenue intacte jusqu’à nos jours a été la plus grande, grâce à des concepts comme le Tsim-Tsoum et la brisure des vases, dont nous traiterons plus loin. Et nous devons reconnaître qu’il est, avec Abraham Aboulafia et son héritage concernant la Tsérouf (Guématrie, Notarikon et Temurah), l’un des grands piliers –comme, bien sûr, le Sefer Yetsirah, le Bahir, et le Zohar– sur lesquels s’appuie la sagesse d’Israël ainsi que la Cabale Chrétienne-hermétique, dans ses développements postérieurs. Mopsik nous fait cette synthèse:
Rabbi Moïse Cordovéro eut de nombreux disciples dont plusieurs ont fait oeuvre d’écriture. L’abondante production écrite de leur maître commun leur épargna la tâche de mettre ses enseignements par écrit, ce qui ne manque jamais de susciter des disputes interminables quant à la revendication de l’héritage spirituel. Chacun eut la chance de pouvoir s’exprimer à titre personnel, certains la saisirent. D’abord Eliahou Da Vidas, auteur du Réchit Hokhma (le commencement de la sagesse), publié à Venise en 1578, puis en 1593, à Cracovie à cette même date et encore à Berlin en 1703, enfin de nombreuses fois qu’il serait inutile de préciser. Sa dette envers Moïse Cordovéro est très souvent perceptible et soulignée par lui. Cet ouvrage constitue en fait une grande anthologie de l’éthique juive écrite sous l’impulsion de la cabale et dans son esprit. Il veut « montrer la voie que doit suivre qui veut pénétrer la sagesse intérieure » (Intro. in fine). Rabbi Hayim Vital, un de nos rares témoins des faits de cette époque à Safed, nous dit que Elie Da Vidas et Moïse Cordovéro, par l’origine de leur âme, ne font qu’un seul homme à eux deux: « Ils proviennent de la racine de Chemaya et Abtalyon [le premier des “couples” fondateurs de la tradition rabbinique, à la fin de l’Antiquité], le Remaq avait un esprit issu de Chemaya, et le Ra [Rabbi Elie] une âme (néfech) issue d’Abtalyon, c’est pourquoi ils s’aimaient213. »
Ensuite il faut nommer Rabbi Abraham ben Mardochée Galanté, auteur d’un commentaire sur le Zohar, appelé Yaréah Yaqar (la lune précieuse) parce que celui de son maître s’intitulait Or Yaqar (la lumière précieuse), et qu’il était à son égard comme la lune face au soleil214.
Rabbi Samuel Gallico, compilateur d’un abrégé de la somme de son maître, intitulé Asis Rimonim, annoté par R. Mordekhaï ben Juda Dato, un autre disciple de Cordovéro. Cet abrégé fut publié pour la première fois à Venise en 1601. L’on cite encore quelques disciples qui ont laissé des traces écrites, comme R. Abraham Mimoun, R. Moché Romi.
Et il déclare ensuite:
La série de ses disciples ne serait pas complète si l’on omettait Rabbi Menahem Azaria de Fano, le grand talmudiste et le cabaliste le plus renommé d’Italie qui, sans avoir jamais rencontré R. Moché Cordovéro, entretenait avec lui des liens épistolaires. C’est lui qui propagea ses idées par des cours publics qu’il donnait devant des auditoires passionnés à partir du Pardés Rimonim dont Cordovéro lui avait fit parvenir une copie par l’intermédiaire d’un de ses disciples. Il fut l’artisan de la rapide célébrité de celui dont il se disait l’élève et de l’édition corrigée du Pardés.
Quelques mois avant la mort de R. Moïse Cordovéro, qui survint le 27 Tamouz 5330 (1570) d’après le témoignage de son propre fils215, arriva à Safed, venant d’Égypte, Rabbi Isaac Louria Achkénazi (1534-1572) qui devait, en l’espace de deux ans, renouveler par son enseignement jusqu’aux principes de la pensée cabalistique. Il n’eut le temps que de quelques entretiens avec R. Moïse, entretiens dont nous ne pouvons, sans preuve, que postuler l’existence. Ce qui ne l’empêcha pas de se déclarer lui aussi son disciple par trois fois dans ses écrits, avec cette formule: « Notre maître et notre guide, que le Clément le garde et le bénisse. »
Il faut tout spécialement souligner, ainsi que le font généralement les spécialistes, l’ambiance de la ville de Safed où ces textes extraordinaires ont été écrits, preuve évidente non seulement de la réverbération de la Cabale Zoharique, mais aussi de la religion juive, sa piété et son mysticisme, et la loi de ce peuple. Ce passage fondamental de cette tradition eut lieu en peu de temps, en grande partie grâce à la Cabale, et Cordovéro, dans plusieurs de ses œuvres, vilipendait ce rabbinat officiel impie qui s’accrochant exclusivement à la littéralité et au respect de la loi, et seulement de la loi pour la loi.
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