Le thème de Caïn et Abel
Jetons maintenant un coup d’œil à ce thème qui nous parait très important, en particulier pour les groupes ésotériques d’origine caïnite, comme par exemple la Franc-Maçonnerie et ses liens avec le judéo-christianisme et l’hermétisme.
38. … Je vais maintenant expliquer seulement l’origine de Caïn, qui est essentiel dans l’étincelle de mon Animus, de moi, Hayyim. L’origine de Caïn est la jointure de l’épaule gauche où le bras s’unit au corps et possède chair, tendons et os. Comme on le sait, on ne nomme un organe que s’il possède chair, tendons et os. J’ai expliqué plus haut (sect. 37), que ces tendons sont les petites veines qui ne sont pas comprises dans les 365 tendons mentionnés précédemment. Ces trois composants de l’organe sont divisés en 600.000 petites étincelles et chaque organe de cette épaule est un Partsouf complet. Réellement, l’origine de l’étincelle de mon Animus se trouve dans la partie basse du «talon» gauche qui ce trouve dans ce Partsouf, qui est l’épaule gauche d’Adam, le second aspect. Le «talon» gauche de ce Partsouf de Caïn contient plus de 613 petites étincelles et ce sont les Animi qui sont à l’origine de mon Âme, ce que j’ai écrit en détails plus haut, de Caïn à mon Animus, moi, Hayyim. Il y en a d’autres en plus de celles déjà mentionnées plus haut, mais mon maître, bénie soit sa mémoire, ne m’a pas expliqué toutes les étincelles de ce «talon».
Et de cette manière il continue d’exprimer une cosmogonie basée sur le lignage, la généalogie spirituelle, du paragraphe 38 au 50. En synthèse de ce thème sur Caïn et Abel et se référant plus spécialement à cet aspect de l’œuvre de Vital, Fine269 résume:
En plus de la lignée ancestrale de l’âme qui s’étend depuis Adam, à Moïse, à Shimon bar Yohaï, à Isaac Louria, il y a parallèlement une ligne de transmigration de l’âme qui commence avec l’autre fils d’Adam, Caïn, et conduit en dernier à Hayyim Vital. Nous voyons que malgré le fait que le Zohar considère Caïn comme ayant son origine dans la souillure produite par le serpent du Jardin d’Éden, tandis qu’Abel est du «côté d’Adam», nous ne devrions pas nous abuser. Car le Zohar parle aussi de Caïn et Abel comme étant unis dans leur connexion avec l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal. En résultat du péché d’Adam, le bien et le mal se sont mêlés totalement. Ainsi, lorsque naquirent Caïn et Abel, ils étaient eux aussi, et chacun d’eux, composés d’éléments du bien et du mal, la différence résidant dans le fait qu’Abel était bon en premier, avec un degré moindre de mal, alors que Caïn était tout d’abord mauvais, possédant un degré moindre de bien. Cependant, l’élément positif de Caïn était d’une beaucoup plus grande qualité, étant donné qu’il était le fils aîné et avait pris pour lui le plus haut degré de «bien». En d’autres mots, malgré le fait que Caïn et Abel semblent avoir pris des directions complètement opposées, ils sont fondamentalement semblables, possédant chacun d’eux le bon et le mauvais. Ontologiquement parlant, ils sont plus semblables que différents. Et dans l’une de ces volte-face paradoxalement surprenantes de la pensée lourianique, l’âme de Caïn est en réalité supérieure à celle d’Abel en vertu d’avoir été le premier né…
Et il termine:
Tout comme Louria, l’ancêtre de l’âme de Vital portait aussi la semence messianique, au centre de laquelle se trouvait la figure de Caïn. Étant donné qu’il était le fils premier-né d’Adam, il était doté de plusieurs dons spirituels, ceux-ci étant «la couronne royale», (kether malkhuth), le «sacerdoce» (kehunah), et les «droits de naissance» (bekhora). Malgré le fait que Caïn était un pécheur, en partie en vertu de l’héritage transgressif de son père, et en partie par ses propres agissements, comme il a été dit, son statut de premier-né le rend supérieur à Abel. Ainsi, alors que l’ancêtre de l’âme d’Abel conduit au Messie, fils de Joseph, l’âme de Caïn –et la lignée transmigratoire qui en découle– est celle du Messie, fils de David. L’accomplissement de la promesse messianique de son âme dépend de sa complète purification et de son perfectionnement à travers une succession de gilgulim au cours du temps.
Alchimie
En ce qui concerne l’Alchimie, nous nous sommes basés sur The Jewish Alchemists: a history and sourcebook de Raphaël Pataï,270 nous référant aux textes qu’il a traduits mais non à la conception générale qu’il en a, formée sur les idées de Berthelot, en ce sens qu’il la considère comme une pré-chimie, bien que ses investigations historiques en la matière soient tout à fait respectables.
En premier lieu, l’ouvrage de Vital est un livre de magie naturelle, de médecine, de pharmacopée et d’alchimie métallique tout ensemble. Nous devons préciser que pratiquement toutes les civilisations, Hindoue, Chinoise, Grecque, Islamique, Chrétienne, etc., ont cultivé ces disciplines aujourd’hui si surprenantes, et pas seulement dans leur aspect minéral, mais aussi leur aspect végétal et animal. Elles ont été dans ces grandes traditions un moyen de connaissance, et constituent donc également une voie fondamentale dans la réalisation spirituelle et intellectuelle qui est en somme leur but et unique objectif. Puisque la matière du macrocosme et celle du microcosme d’en font qu’une, les transmutations qui se présentent dans les métaux à travers les quatre éléments : terre, eau, air, feu, et leurs combinaisons qui se coagulent et se dissolvent, et les font se transformer, sont symbolisées par la quête de l’or, de même que les changements et les transmigrations de l’âme humaine, grâce auxquels l’alchimiste perçoit les analogies et les correspondances qui le font constamment méditer sur lui-même, l’univers et la gestation. Cependant, lorsque Vital parle d’alchimie il ne le fait qu’en termes techniques. Nous aimerions à ce sujet citer le commentaire fait par Pataï dans son livre:
Un aspect surprenant de l’alchimie de Vital est sa nature basée purement sur les faits, technologique. Vital, comme on le sait, était un grand cabaliste, un homme qui concevait des doctrines mystiques, s’est étendu en détails sur les grands secrets des relations entre les choses d’en-Haut et celles d’en-Bas, était douloureusement conscient de la lutte féroce et continuelle entre les pouvoirs du Bien et du Mal dans le monde et en l’homme –et cependant, de tout cela, l’on ne trouve pas un seul mot dans ses écrits alchimiques. C’est ce qu’il y a de plus notable, car la majorité des alchimistes cabalistiques juifs du Moyen Âge et de la Renaissance aimaient beaucoup donner une saveur mystique à leurs notes alchimiques en insistant régulièrement sur le fait que telle ou telle observation ou pénétration était «un grand secret», et que c’était précisément en le faisant qu’ils obtenaient une fusion, ou au moins une combinaison, de l’alchimie et de la Cabale. Rien de tout cela ne peut être trouvé dans les prescriptions alchimiques longues et soigneusement détaillées de Vital. Cela nous donne l’impression définitive que Vital était capable de diviser en compartiments pensée et écriture: lorsqu’il méditait et écrivait sur la Cabale, c’était un mystique. Lorsqu’il décrivait des remèdes magiques, s’gullot, qam’ot, des incantations, des conjurations et des carrés magiques, il croyait indubitablement aux anges et aux démons. Mais lorsqu’il travaillait, pensait et écrivait sur l’alchimie, il n’était pas autre chose qu’un scientifique naturel qui observait avec acuité ce qu’il se passait au cours de ses expériences, et il les décrivait dans les moindres détails.
Ainsi commence-t-il dans l’un des folios alchimiques, par le commencement, par la fabrication du récipient ou de la marmite où la cuisson sera effectuée, c’est-à-dire l’athanor alchimique, qui n’est autre que l’âme de l’initié et qui doit être bien cuit et trempé pour pouvoir réaliser les opérations qui s’y effectueront.
1. Pour faire un creuset pour fondre l’or et l’argent, saches qu’il y a une poudre minérale spéciale dont on fait la marmite, mais il y en a différentes classes, car la terre de certain champ est plus forte que celle d’un autre… Et nous en informerons de plusieurs manières. Vois, si tu as [un peu] de la terre dont sont faites les marmites, fais ceci: prend deux parts de cette terre et une part de coton, et si c’est du vieux coton c’est mieux, et si c’est du déchet de lin c’est mieux. Et émiette le coton en très petits et fins morceaux séparés, et alors mets la terre sur un sol en pierre de marbre lisse, et mets-la dans un petit coton, étiré et émietté en morceaux comme il a été dit, et mets-y deux ou trois gouttes d’eau, et broie-le avec une masse, etc., pour que tout le coton puisse être assimilé, et il faudrait aussi le moudre et le réduire totalement en poudre, jusqu’à ce qu’on ne puisse pas le reconnaître et qu’il devienne, avec la terre, une espèce de pâte cireuse. Et c’est là l’essence de tout le travail. Et tu devras tenir prêt un moule en bois d’une marmite, et presse [cette pâte cireuse] dedans et fais la marmite que tu voudras, ou donne-lui forme entre tes mains et avec tes doigts. Et pour qu’elle ne devienne pas [très] douce dans tes mains tandis que tu la travailles, jettes-y des cendres, petit à petit, pendant que tu le fais, et ainsi elle ne deviendra pas douce dans tes mains tandis que tu la travailles. Et fais-le fin, peu à peu entre tes mains, jusqu’à ce qu’il soit terminé. Et prend soin qu’il n’y ait ni fentes ni fissures en elle. Et ensuite ne le mets pas non plus au soleil ni à l’ombre, mais pose-le dans des cendres qui soient un peu chaudes, qui sont appelées poussiers, et la chaleur doit être très douce, ou bien sous le four, au-dessous de l’endroit où l’on met la marmite pour cuisiner, et laisse-le là jusqu’à ce qu’il soit très sec. Et après qu’il se soit séché complètement, mets-le dans des poussiers et du feu, et attise-le avec le soufflet jusqu’à ce que le creuset brûle et devienne rouge comme des charbons qui sont un peu ardents, et alors retire-le et mets-le pour la seconde fois dans des poussiers chauds. Et toutes ces choses se font pour que le creuset ne se casse pas lorsque l’on y coule.
Nous citerons ici une partie de l’anthologie d’extraits sélectionnés et étudiés par Raphaël Pataï, que nous suivrons:
Incidemment, ces pages contiennent presque tout le langage alchimique utilisé par Vital, et aussi par les autres auteurs alchimistes médiévaux et de la Renaissance, dérivé principalement du castillan, de l’arabe et du perse.
Au folio 38b, sous le numéro 47, Vital écrit: Toutes les personnes qui s’occupent du travail alchimique doivent se garder de bien des classes de drogues fortes qui se mélangent à l’argent et l’or quand ils sont fondus sur le feu, et doivent demeurer loin de leur fumée. Ils doivent aussi se garder de l’odeur et de la fumée de l’eau forte [aquafortis] qui sépare l’argent de l’or, comme on le sait. Et surtout l’on doit se garder de la fumée qui sort du mercure lorsqu’il est sur le feu, car c’est le mercure lui-même qui devient fumée et s’élève dans l’air, et c’est un danger s’il pénètre dans ton nez, car le mercure est un poison mortel.
Après cet item, il y a incongrûment trois item magico-religieux: 60. «J’ai entendu, et je l’ai aussi vu se vérifier jusqu’à certain point, que celui qui récite la prière N’ilah [la dernière prière] à voix haute en servant comme meneur de la prière en Yom Kippour, sera en danger, Dieu nous garde, durant cette année. Il devrait donc être le guide de la prière également dans une autre prière, comme le mussaf ou la minah ou shaharit de Yom Kippour.
61-62. (fº 51a-b). Dangers similaires connectés à d’autres fonctions religieuses.
66. «Pour celui qui a soudain perdu quelque chose, et il arrive parfois que les démons jouent avec une personne, et la lui enlèvent» L’intrusion de tels items «superstitieux» parmi les prescriptions alchimiques, technologiques et médicales de Vital a lieu à plusieurs endroits du livre.
79. Instruction générale pour la préservation de la santé. 80. «Pour la maladie de l’azme [asthme].»
89. (fº 54a). «Pour le feu étranger, appelé humra [A., charbon bouilli, érésipèle, feu sacré].» Cette recette est de nouveau exceptionnelle, puisqu’elle décrit un traitement au moyen d’une incantation en castillan, dont le texte, en caractères hébreux, occupe dix lignes du manuscrit.
103. Une autre incantation en castillan pour une indisposition. 104. Pour une protection contre Lilith.
Au folio 55a, continuant la Part Trois, il y a un nouveau préambule qui poursuit: «Et voici les opérations que je n’ai pas essayées moi-même, mais que j’ai entendues des révélateurs de la vérité. Et je les diviserai en deux parties: la première partie, ce que j’ai trouvé écrit dans des livres, qui a été vérifié par les auteurs de ces livres, et la seconde partie, ce que j’ai entendu et reçu de la bouche des révélateurs de vérité.» Le matériel de la première partie est médical et pris de plusieurs auteurs médecins, juifs et non juifs, dont nous n’avons pas besoin de nous occuper plus que pour mentionner que les citations de Galien, Aristées, Dioscoride, Tabari et autres (fº 55b-58a), sont un éloquent témoignage des vastes lectures et de la familiarité de Vital avec la littérature médicale grecque et arabe accessible à son époque.
Au folio 58b il commence: «La seconde partie sur s’gullot [enchantements] et expériences que j’ai reçues de la bouche des révélateurs de la vérité, qui l’ont expérimenté, et qui a été confirmé.» Cette part contient de nouveau des prescriptions alchimiques, médicales et magiques comme celle-ci: 13. «Mets la langue d’un crapaud dans le linge d’une personne qui dort, et elle te dira tout ce que tu lui demanderas.»
11. «Un poison mortel pour tuer un homme.»
57. (fº 60b). Pour faire de l’antimoine. Fais un four et mets dedans des charbons incandescents, et pose sur les charbons deux pierres ou deux briques aux deux côtés du four, comme il est montré ici. [figure 28.1], et à nouveau mets d’autres charbons allongés qui devront être couchés au-dessus des deux pierres comme des poutres, pour qu’il reste un espace entre les deux pierres, et aussi entre les charbons du bas et ceux du haut. Et prend un plat de cuivre rouge avec des pincettes, et arrose-le de poudre de soufre pour que le dessus du plat soit bien couvert, et avec les pincettes mets ce plat dans l’espace entre les charbons, jusqu’à ce que la fumée de soufre cesse, et alors retire-le et éteins-le dans du vinaigre fort, et répète cela trois ou quatre fois, jusqu’à ce qu’il soit terminé, transformé en antimoine. Et son signe est que si tu frappes ce plat avec un marteau il se brisera comme du verre. Et si le feu est fort, mets dedans beaucoup de soufre pour qu’il se fasse rapidement. Et même si le plat de cuivre est très épais, comme un empan, il ne faut avoir aucune appréhension. Mais si le feu est faible, mets seulement un peu de soufre, suffisamment pour couvrir la surface du cuivre.
59. (fº 60b). La préparation et usage du sel alqali [sel alcali]. 60. Comment «tuer» du mercure.
398-435. (fº 77b-78b). Majoritairement des prescriptions médicales et magiques, entremêlées de recettes chimiques et alchimiques. Ainsi la 427 est une recette pour durcir le fer. D’un intérêt spécial dans ce groupe, la 359 (fº 75b), qui est une prescription pour fortifier magiquement les dents déchaussées: le «mot de pouvoir» que Vital utilise est tetragran-matan, c’est-à-dire tetragrammaton (tetragramme), qui montre qu’il était familiarisé, au moins jusqu’à un certain point, avec la magie non juive dans laquelle ce mot était fréquemment utilisé.
239. (fº 97a-b). … En réalité, il y a deux classes de préparations [ou de perfectionnements]. L’une est pour la blancheur, et c’est pour faire de l’argent; et l’autre est pour la rougeur, et c’est pour faire de l’or, et ces deux classes de préparations sont dans [ou sont faites de] la totalité des trois, les dits esprit, âme et corps, et par conséquent la nature de [tous] les esprits n’est pas la même, car il y en a certains qui sont un bénéfice pour la blancheur, et d’autres pour la rougeur. Les exemples de cela sont, vitriol et soufre et cinabre et arsenic rouge, ou analogues, qui sont pour l’or; et réalgar et arsenic blanc, ou analogues, qui sont pour l’argent. Il y a encore un quatrième aspect, qui sont les classes d’autres drogues par lesquelles sont préparés [ou améliorés] l’âme, l’esprit et le corps mentionnés, comme tu en trouveras les opérations décrites dans des livres. Et maintenant j’expliquerai quelques travaux et prescriptions qui sont vérifiées.
Les folios 111b-113-b contiennent d’autres recettes magiques, des amulettes et des textes avec des conjurations, avec «noms» et dessins. Ces articles ne sont pas numérotés, et Samuel Vital garde le silence sur ces folios dans son index.
Les folios 124a-129b manquent dans le manuscrit. L’index du livre de Samuel Vital commence au folio 130a et continue jusqu’au folio 153b. Le nombre total d’items (prescriptions) qui sont contenues dans le manuscrit dépasse les 1.500, embrassant une étonnante variété de thèmes alchimiques, médicaux et magiques. Les variations de l’écriture montrent indiscutablement que le livre n’a pas été écrit par Vital en une seule, mais en plusieurs périodes, probablement avec des intervalles considérables entre elles. Cela indique en même temps qu’il a entretenu son intérêt pour ces thèmes durant longtemps, probablement plusieurs années. Les termes de nombreux items démontrent également qu’il a été un praticien alchimiste, médecin et mage (c’est-à-dire un fournisseur d’amulettes magiques et de méthodes pour guérir et aider) durant de nombreuses années.
La terminologie alchimique utilisée par Vital est héritière, comme l’hermétique chrétienne, de la grecque et de l’arabe, et ses textes comprennent même de nombreux mots espagnols, courants chez ceux qui se consacraient aux sciences, dont la manipulation requiert d’ailleurs l’utilisation de formules, c’est-à-dire des expériences naturelles, même si leur objectif et leur but ultime est en fin de compte spirituel.
En tout cas, et malgré les origines mythiques de l’alchimie juive et chrétienne qui remontent, comme la transmutation, à l’Adam Protoplasmatique lui-même, c’est-à-dire à cette humanité d’après la «chute», elle possède également, comme la Cabale, une origine documentaire historique, que l’on pourrait fixer au Moyen Âge. Avant cela, il faut mentionner Marie la Juive, sœur de Moïse,271 et Zosime le Panopolitain, un hermétiste grec ayant écrit au IIIe siècle un traité intitulé Sur l’Art Sacré et Divin de la Fabrication de l’Or et de l’Argent272 où il nous parle, parmi bien d’autres choses, de cette même Marie et de ses recettes, qui semblerait avoir été une alchimiste israélite d’Alexandrie, compagne de Zosime, convertie par la suite en sœur de Moïse, personnage biblique, scellant par ce mythe l’ancienneté de l’Alchimie hermétique, juive et chrétienne. Car ce qui est appelé par les chercheurs juifs l’alchimie chrétienne n’est autre que l’alchimie hermétique pratiquée à des époques chrétiennes.
Cette science est un trait d’union entre les ésotérismes hermético-juif et chrétien liés par le Toth égyptien, et plus particulièrement l’Hermès Trismégiste (trois fois grand dans chacun des mondes cabalistiques ou niveaux de l’âme) et son souffle de vie. De fait, pratiquement toute l’alchimie européenne, qu’Hayim connaissait depuis Safed, était l’héritage de l’hermétique grecque et arabe, dont les opérations tendaient toujours au plus haut, c’est-à-dire la permanente invocation des Noms Divins qui, en vertu de l’analogie (inversée) entre ciel et terre, pouvait être redécouverte en permanence dans la nature toute entière, dont il approfondissait les arcanes les plus secrètes et mystérieuses.
L’un des plus célèbres traités hermétiques et alchimiques (souvent réédité), Le Livre des Figures Hiéroglyphiques de Nicolas Flamel, raconte les aventures de ce dernier à la recherche de la Connaissance, la Pierre Philosophale, en compagnie de son épouse Pernelle, tous deux finissant par être instruits par un sage juif en Espagne, avant de réintégrer leur milieu et leur existence.
Plus tard à la Renaissance, de nombreux livres hermético-alchimiques reproduisent le Tétragramme et de nombreux autres symboles et personnages juifs, comme l’alchimiste Morieno et tant d’autres, complètement inconnus aujourd’hui, qui faisaient de l’alchimie en même temps que leurs pratiques cabalistiques.
Ainsi, Hayyim Vital est un personnage décisif dans la tradition cabalistique hermético-alchimique, dont la stupéfiante littérature n’est pas assez connue dans les aspects que nous avons voulus souligner dans ce chapitre, car, ainsi que le disait Scholem dans l’article qu’il lui consacrera dans l’Encyclopédie Judaïque: «Aucune étude complète de sa personnalité et de ses activités n’a encore été tentée», ce qui demeure une dette en souffrance face à un auteur d’une telle magnitude et intensité.
Chapitre VI: Les Hasidim
(prochainement)
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