L'un
des thèmes les plus remarquables dans l'étude des sociétés
précolombiennes, est que presque tous les auteurs européens
contemporains de la conquête espagnole, et même de siècles
postérieurs, coïncident dans leur croyance que les Américains
étaient d'origine juive,1
avaient déjà été christianisés, ou par
quelque moyen obscur leurs connaissances et traditions leur venaient du
Vieux Monde. Ces opinions étaient basées sans aucun doute
sur la similitude de symboles, mythes et modes culturels qui, bien qu'adoptant
des formes différentes, étaient cependant analogues aux leurs.
Le fait est signalé par les franciscains Fray Bernardino de Sahagún
et Motolinía, par le dominicain Diego Durán, par le jésuite
Joseph de Acosta, tout comme par Mendieta, Las Casas, Torquemada, Lopez
de Gómara, Ramos Gavilán, Gregorio García, Antonio
de la Calancha, Poma de Ayala et la majorité des chroniqueurs ;
de même parmi les commentateurs postérieurs comme Veytia et
Clavijero, etc., pour n'en citer que quelques-uns uns, tous hommes d'Église
ou versés dans les questions religieuses, philosophes et théologiens.2
A vrai dire, les coïncidences entre le christianisme, ses symboles,
mythes et rituels, et la tradition précolombienne sont assez nombreuses.3
À commencer par ses théogonies, où les idées
d'un Être Suprême, d'un dieu créateur et une déité
civilisatrice et salvatrice conforment une genèse et une apocalypse,
une mort et une résurrection, liées au sacrifice et à
la transformation cyclique, et continuant avec certains mythes comme celui
de la virginité de la mère du dieu héros et sa conception
anti-naturelle sans le recours d'un père, qui apparaît à
plusieurs reprises. Le premier cas peut s'observer dans la civilisation
de la vallée centrale du Mexique, parmi les indiens de Nicaragua
et Costa Rica, ceux de Bogota, ceux de Quito et d'autres groupes appartenant
à l'empire inca comme les Harochiris et même les Guaranis
du Paraguay et du Brésil, et est connu des zunis et autres indigènes
des États-Unis et des patagoniens argentins. Le second est très
clair chez les nahuas et les Aztèques (les dieux Quetzalcóatl
et Huitzilopochtli sont fils de vierges), et chez les indiens quichés
du Guatemala, Ixbalanché et Hunahpú, héros par excellence,
sont fils de la demoiselle Ixcuiq. De même les chibchas de Colombie
vénéraient un fils du soleil dont les rayons fécondèrent
une vierge ; et Viracocha, au Pérou, ensemença une belle
jeune fille sans qu'elle s'en aperçoive.4
Nous pourrions y ajouter d'autres mythes, comme celui du déluge,
connu dans toute l'Amérique Précolombienne, et celui d'un
passé où existaient des géants, ce en quoi ils coïncidaient
avec les traditions bibliques et gréco-romaines. Mais le plus surprenant
pour les conquistadors, et pour les quelques rares personnes aptes à
le voir, n'est rien de moins que de retrouver partout le symbole de la
croix, qui selon des considérations circonstancielles doit se dissimuler
ou se taire. En effet, cette représentation se trouve explicite
dans sa forme la plus simple ou de façons dérivées,
seule ou sous forme d'ensembles, dans toute l'extension du continent américain.
De surcroît, le symbole dont nous parlons –qui de fait est préchrétien–
constitue le schéma cosmologique de ces cultures et se présente
toujours dans leurs manifestations de quelque type que ce soit. Nous nous
référons aux quatre bras ou possibilités d'expansion
horizontale sur l'espace plan et au centre en tant que lieu de réception
et synthèse de l'énergie verticale (haut-bas), qui par la
croix s'irradie ainsi dans la totalité de l'espace. Ce qui interpelle
peut-être le plus les frères est la similitude entre certains
rituels et les sacrements qu'ils administrent eux-mêmes. Par exemple,
au sujet de la confession pratiquée par les Aztèques, Mayas
et Incas, du mariage, de la communion, du baptême –duquel le réticent
Diego de Landa, évêque de Yucatán, affirme cependant
avec orgueil : "L'on ne trouve le baptême en aucune partie des indes
sauf dans celle-ci au Yucatán (ce qui n'était pas vrai) et
de plus avec un mot qui veut dire naître de nouveau ou une autre
fois". Sur le thème de la communion, nous remarquerons ce que nous
dit Sahagún au sujet de la cérémonie célébrée
en l'honneur de Huitzilopochtli, au cours de laquelle le peuple communiait
en mangeant un morceau de la statue du dieu, confectionnée à
telle fin avec une friandise appelée alegriaI, toujours populaire
dans le Mexique contemporain.5
La véritable importance de ce sujet est le fait que le sacrifice
rituel d'animaux suivie de leur ingestion immédiate à certaines
dates et lieux précolombiens –chose vérifiable dans la presque
totalité des cultures et encore aujourd'hui dans des communautés
"primitives"– constituait un acte sacré d'importance vitale, aussi
bien individuelle que collective. Le sacrement chrétien de l'eucharistie
symbolise au moyen du pain et du vin ce que d'autres traditions illustrent
par leurs équivalents : la chair et surtout le sang comme moyen
de communion avec la divinité. Nous croyons que c'est sous une perspective
similaire que pourraient peut-être se comprendre les sanglants sacrifices
humains perpétrés en honneur du soleil, comme aliment pour
le créateur et le conservateur de la vie.6
En tout état de cause, ces similitudes entre les civilisations du
Nouveau et du Vieux Monde n'ont rien de casuel puisque les symboles et
les mythes fondamentaux de toutes les cultures sont en essence manifestement
les mêmes, à notre ignorante stupéfaction.7
Notre surprise cède dès que nous procédons à
étudier et vérifier cette affirmation et aussi lorsque nous
songeons à ce que représentent en réalité ces
symboles et mythes, c'est-à-dire les pensées universelles
qu'ils expriment qui, partout les mêmes, découlent d'une Connaissance
et d'une Tradition commune, que nous pourrions appeler "non historique"
ou encore mieux, "métahistorique". C'est pour cette raison que la
Symbologie utilise la comparaison entre symboles de différentes
civilisations comme méthode pour illuminer les symboles particuliers,
système que nous appliquerons à ce texte en rapport avec
l'ensemble des cultures américaines –dans la mesure de nos possibilités–,
et la mosaïque aux multiples facettes où s'exprime la pensée
précolombienne.
Codex Madrid
|
Actuellement personne ne nie sérieusement l'origine
sacrée de toute civilisation dès lors que ses traditions
la déclarent mythique et métaphysique. De cette origine se
détachent par ailleurs ses connaissances, arts, sciences et industries,
y compris la fondation de ses cités (pour les sédentaires),
et le nom ou l'identité de ses habitants. Dans ce sens, ces manifestations
sembleraient répondre unanimement à une idée archétypale
de laquelle découlent les modèles culturels et les structures
religieuses, économico-sociales et politiques, les comportements,
les us et coutumes. Malgré les multiples formes d'expression de
ces cultures traditionnelles, c'est cependant pour cela que l'on peut découvrir
entre elles de si étonnantes analogies, puisqu'elles se rapportent
toutes à la même chose. C'est là ce qui nous permet
à notre tour d'effectuer des relations et des assimilations également
surprenantes.
Les historiens des religions circonscrivent et situent
dans l'espace et le temps la culture qu'ils étudient, bien que les
meilleurs d'entre eux, Mircea Eliade à leur tête, conduisent
leurs investigations à la structure même de la religion, exprimant
son origine intemporelle. La Symbologie ne prend pas en considération,
si ce n'est accessoirement, les conditions historiques dans lesquelles
est produit le symbole, soulignant en revanche les valeurs non historiques,
donc essentielles et archétypales. Mais surtout, ce qui différencie
le symbologiste et l'historien des religions est leur attitude face à
la connaissance. En effet, le symbologiste ne considère pas les
symboles, mythes ou rites seulement comme des objets statiques –qui ont
une histoire– mais aussi comme des sujets dynamiques toujours présents,
qui se manifestent maintenant. Autrement dit, capables de remplir une fonction
médiatrice entre ce qu'ils expriment dans l'ordre sensible et l'énergie
invisible –la pensée– qui les a engendrés. à cet aspect,
il n'existe pas d'histoire des symboles. Non seulement pour leur reconnaître
une origine intemporelle, mais aussi parce qu'ils sont en majorité
communs à de multiples cultures et apparaissent dans de nombreuses
traditions séparées dans l'espace et le temps –tout comme
s'ils étaient consubstantiels avec l'homme et la vie–. L'on peut
même parfois en trouver d'identiques quant à leurs significations
les plus éloignées (par exemple au sujet de la "sorcellerie"),
ce qui peut être donné à chacun d'observer et de comprendre,
avec un peu de patience et de bonne foi. Cela conduit à reconnaître
une origine commune ou à accepter l'idée d'une tradition
historique unanime, ce qui est certainement valable si l'on tient compte
des énormes cycles comprenant non seulement des dizaines de cultures
–ignorées pour leur plus grande part– mais aussi de profondes altérations
géographiques de la terre, comme des changements dans la position
des pôles, en correspondance avec des phénomènes célestes,
etc.8
C'est pourquoi le symbologiste préfère s'attacher au symbole
en soi –sans négliger son contexte–, en tant qu'objet non seulement
comparable à un autre, mais qui de plus est considéré
comme le sujet de la réalité toujours existante qui l'a façonné
et qu'il exprime directement. C'est l'idée tout à la fois
manifestée et occultée par le Symbole qui intéresse
la Symbologie. C'est pourquoi le symbologiste n'aspire pas seulement à
la compréhension historique ou purement intellectuelle du symbole,
mais à sa connaissance métaphysique, à son appréhension
supra-intellectuelle –obtenue avec son concours–, à l'identification
ou incarnation de l'essence de ce que manifeste le mythe ou le symbole
; tout comme les peuples les ayant élaborés à cette
intention, qui les utilisaient comme supports ou vecteurs cognitifs entre
différents plans d'une réalité qu'ils considéraient
unique et sacrée, attestée par ces symboles et ces mythes.
En d'autres termes, le symbologiste ne s'occupe pas, sauf d'une façon
secondaire, des symboles pris dans une perspective historique ou simplement
"intellectuelle" mais, tenant compte de l'identité des symboles
traditionnels apparus en différents temps et lieux –matériel
obtenu de L'Histoire des Religions et de La Religion Comparée– tente
de comprendre, expérimenter, intégrer le concept ou l'idée
que ces symboles représentent et dont ils sont les émissaires.9
Ceci est particulièrement valable dans l'étude et la méditation
sur les manifestations humaines, à savoir culturelles, en tant qu'ensemble
symbolique où la trace d'une histoire invisible et éternelle
–archétypale– se projette dans les formes temporelles du visible. |
Comme nous le précisions dans la
note initiale par une référence personnelle, nous n'avons
pas appliqué littéralement à la tradition précolombienne
ce que nos études nous ont appris d'autres civilisations traditionnelles,
mais c'est au contraire imprégnés du monde des antiques américains,
de leur atmosphère, de leurs règles et manières qui
nous sont familières, que nous sommes arrivés à comprendre
l'identité des symboles, mythes et rituels de la Tradition unanime,
qu'elle soit vivante ou semble morte. Sans doute, les schèmes de
notre pensée, la façon de concevoir et de nous rapprocher
du passé précolombien sont aussi européens que ceux
de tous les investigateurs de notre connaissance. La raison en est notre
éducation, car les structures mentales de tous les occidentaux actuels
–et c'est ce que nous sommes– sont analogues, à commencer par la
détermination qu'imposent la logique et les schémas linguistiques,
ainsi que les règles de notre éducation et nos actions, bien
que beaucoup d'entre nous ne s'en aperçoivent pas ou pensent le
contraire. Nous remarquerons par ailleurs que le fait d'être né
en un lieu déterminé du Nouveau Monde, ou d'être du
même sang que les peuples créateurs des civilisations précolombiennes,
voire parler leur langue, n'est qu'un avantage secondaire pour la compréhension
de la cosmogonie indigène originelle.10
Les Grecs contemporains ne savent presque rien de leur passé mythique
et de leurs antiques croyances, et même à l'époque
de Platon ils étaient allègrement ignorés de la majorité.
Dans d'autres cas, comme pourrait l'être celui d'une tradition vivante,
hindoue par exemple, il arriverait qu'un étranger, né en
dehors, puisse la comprendre et la vivre beaucoup plus profondément
et véritablement –dans ce qu'elle est– qu'un simple dévot
tenaillé par la superstition et la confusion des images, ainsi qu'il
arrive en général à la plus grande part des hindous
actuels. C'est autre chose lorsque les membres d'une tradition connaissent
parfaitement, et pas seulement de manière extérieure ou superficielle,
le sens de leurs symboles, mythes et rites –qui doivent toujours être
appris– et surtout si l'on tient pour évident ce qu'ils sont, c'est-à-dire
que l'on comprenne leur fonction médiatrice et transcendantale,
comprise dans le cadre de la cosmogonie originelle qu'ils décrivent,
dont l'expérience produit un état de conscience auquel on
peut accéder grâce à l'initiation dans la connaissance
provoquée par ces mêmes symboles, mythes et rites. Certainement,
celui qui aura expérimenté ces concepts et reconnu les formes
dans lesquelles ils se manifestent, engendrant telle ou telle culture,
pourra alors comprendre l'essence de cette culture, sa raison d'être
–même historique–, son idée de l'espace, du temps, du mouvement,
du nombre, de la mesure, du langage, et par là même de sa
pensée dont découlent toutes ses actions et créations,
qui s'expriment au travers de manifestations symboliques.
Afin de pouvoir assimiler la réalité, pour
s'y intégrer, il est indispensable d'en avoir d'abord une description,
quelle qu'elle soit, bonne ou moins bonne.11
L'homme procède toujours ainsi encore qu'il l'ignore ou le nie.
Une conception du monde où la terre est plane et est aussi le centre
de l'univers est aussi valable qu'un système descriptif tridimensionnel
où la terre est une sphère tournant autour du soleil, son
axe. Ceci peut s'appliquer –sujet en rapport direct avec ce qui précède–
à la représentation graphique plane et son extraordinaire
pouvoir de synthèse et suggestion en opposition avec les contrastes
d'ombre-lumière et perspective qui caractérisent l'art occidental
des derniers siècles, ainsi qu'à la géométrie
plane, ainsi nommée en comparaison avec la géométrie
spatiale.
Hors de notre champ mental –et tant qu'il ne s'ouvrira
pas– il est impossible de comprendre quelque chose qui nous soit complètement
étranger. C'est ce qui arriva aux européens avec les indigènes
à l'époque de la conquête espagnole, et c'est encore
actuellement le principal écueil devant nos efforts pour nous rapprocher
de ce patrimoine traditionnel si riche et complexe. Tout nous laisse croire
que la majorité des religieux, soldats et fonctionnaires qui arrivèrent
en Amérique ignoraient la véritable signification, la réalité
intime de leurs propres symboles, sacrements et institutions, sinon tout
au plus d'un mode pieux et moral (à titre de coutumes et bonnes
manières), ou légiste, officiel et administratif mais en
aucune façon métaphysique ni ésotérique, ce
qui démontre précisément qu'ils ne les connaissaient
pas dans leur totalité. Nous ne devons pas nous en étonner,
car jusqu'à nos jours le panorama involutif d'Occident n'a pas changé,
qui commence précisément à être patent à
la Renaissance, ce qui est dû par ailleurs à des raisons cycliques.
Il est permis de croire qu'une chose similaire avait lieu au sein des sociétés
précolombiennes à l'arrivée des espagnols, surtout
parmi la masse du peuple y compris la plus grande part de ses chefs et
meneurs, bien que l'on pourrait faire quelques distinctions entre les diverses
cultures qui formaient la carte de l'Amérique ancienne. Il y a cependant
une différence : les sages et hauts prêtres indigènes
semblent connaître –cela peut se vérifier dans divers documents–
ou avoir connu très peu de temps auparavant les secrets de la vie,
de la cosmogonie et la déité, tandis que les religieux chrétiens
–sauf quelques honorables exceptions quant à science humaniste ou
"classique"–, au mieux ne semblent être que gens dévots ou
bien intentionnés, voire fonctionnaires de la couronne, espions,
fanatiques de la conversion massive d'infidèles, mais jamais hommes
de connaissance dans le véritable sens du terme.12
Pour beaucoup de ses prélats, l'opinion "officielle" de l'Église
au sujet des traditions précolombiennes est toujours celle qui les
jugeait inspirées par le démon et qu'elles étaient,
et sont encore, le produit idolâtre de l'ignorance la plus obscure
ou d'une ingénuité candide et infantile. Ce fanatisme proche
du mépris absolu pour ce que l'on ne connaît pas –avec tous
les arguments qui désignent et soulignent l'exercice du pouvoir–
explique en partie la cause de l'extinction quasi totale de la sagesse
qui créa ces grands monuments et œuvres d'art qui nous stupéfient
aujourd'hui, mais aussi et fondamentalement son modèle cosmogonique,
ses calendriers astronomiques et rituels, les écritures hiéroglyphiques,
symboliques et idéographiques, donc les structures de pensée
qui firent s'épanouir la vie au sein de ces cultures. La perte est
affligeante et plus encore lorsque l'on parvient à comprendre, au
travers des fragments qui sont arrivés jusqu'à nous, la magnitude
et la qualité de ces civilisations traditionnelles, comparables
aux plus sages et raffinées du monde entier, mais avec dans certains
cas des formes, des originalités si subtiles et élaborées,
et dans d'autres cas si surprenantes que l'on ne peut les trouver nulle
part ailleurs. Qui aura laissé le fasciner l'atmosphère et
la beauté des civilisations précolombiennes comprendra parfaitement
ce que nous voulons dire. Nous donnerons un exemple simple d 'originalité,
à peine atteint par la mythologie grecque. Il s'agit dans ce cas
des mythes mayas de la création, qui s'expriment sur un mode clairement
humoristique,13
mais d'un comique gras et rude, quand ce n'est pas grand-guignolesque.
Car toute gestation, celle du soleil, de l'homme, du maïs, semblerait
être fruit de la duperie, la moquerie, la difficulté, la contradiction,
le châtiment ou la vengeance, exprimés sous une forme presque
autant cynique et sardonique que désinvolte et qui par sa crudité
pourrait sembler choquante. Le sacrifice et l'assassinat rituel, et la
constante contradiction des opposés se superposent en une astucieuse
danse de rythmes contraires, désopilante et échevelée,
où domine la présence permanente de la discontinuité,
de l'inopportun et de l'absurde, du paradoxe absolu et de l'irréel,
et où l'unique élément constant est la transformation
des êtres et la mutation des formes qui apparaissent et disparaissent,
meurent et naissent formant part d'une même substance universelle.
Cette description des origines (soit la forme que prend pour eux toute
conception), est basée sur quelque chose absolument extraordinaire,
stupéfiant, disproportionné, peut-être monstrueux et
certainement sacré, qui déclenche l'hilarité en réaction
immédiate –d'attirance et de rejet– et provoque le fou rire comme
une forme d'évocation de ce fait étonnant ou divin, du temps
intemporel, appelant ainsi l'esprit au moyen de l'exaltation, la joie démesurée
–pouvant produire un état analogue à celui du temps mythique–
, les plaisanteries, fêtes et libations rituelles.14
Il sera peut-être nécessaire de faire un effort psychologique
à chaque fois que nous rencontrerons des exemples de ce type dans
nos recherches sur le monde précolombien et, en général,
dans toutes les études universelles se référant à
symboles, mythes et rites car ils sont, en tant que manifestations du sacré,
bien différents de ce que l'homme ordinaire prétend ou imagine.
Si ce travail ne se fait pas et nous ne sommes pas au moins capables de
modifier notre perspective, de changer de point de vue au sujet de la compréhension
de ces expressions, elles nous apparaîtront comme d'une ignorance
grossière, simpliste et pleine de superstition selon les moules
et les programmes dans lesquels la divinité, le sacré, est
étroitement relié à la pompe, la solennité,
le "sublime", les manières extérieures et l'hygiène,
quand ce n'est pas avec une prétendue austérité égoïste
et stérile, non créative, ou une activité dévote
et moraliste. |